La faute à Poutine
Le 18 mai 2022, Bazoum Mohamed a accordé un entretien exclusif à La Croix et à L’Obs, deux journaux français. À la question de savoir quel est l’impact de la guerre en Ukraine sur le Niger, le chef de l’État a répondu : « Il est faible. Nous ne sommes pas de grands consommateurs de blé […] La mondialisation ne se traduit pas partout de la même façon […] Nous ne sommes pas très intégrés dans l’économie internationale. » Rétropédalage, ce 06 août 2022, Bazoum Mohamed a mis en avant la guerre en Ukraine pour expliquer la récente augmentation du prix du gasoil à la pompe intervenue au Niger. En somme, c’est la faute à Poutine. Entouré par une kyrielle de ministres, le président de la République a sorti des arguments évasifs et des explications technico-financières improbables pour faire avaler des couleuvres aux dirigeants syndicaux et acteurs de la société civile venus l’écouter. À en croire Bazoum Mohamed, la hausse du prix du gasoil est la solution la moins douloureuse pour faire face aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne. Autrement, les prix de l’essence, du gaz, du kilowattheure, entre autre produits, s’en trouveront augmentés. On veut bien croire le président de la République, sauf qu’il a perdu de vue les lourdes conséquences de cette décision sur notamment les transports et les prix de dizaines de produits de consommation courante.
« Gouverner, c’est prévoir »
Il est bien commode pour Bazoum Mohamed de se défausser sur Poutine pour justifier l’injustifiable. La guerre en Ukraine a éclaté le 24 févier 2022, elle dure depuis plus de 5 mois. C’est dire que le gouvernement en place a eu suffisamment de temps pour explorer des solutions à même d’atténuer l’impact de ce conflit sur le Niger. « Gouverner, c’est prévoir », faut-il rappeler cette maxime à Bazoum Mohamed ? En rencontrant l’intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN) et quelques leaders de la Société civile, le président de la République a simplement émis des constats connus de tous, il n’a esquissé aucune piste de solutions. Bazoum Mohamed ne s’est pas contenté de blablater sur une situation qui lui échappe, il s’est surtout ingénié à susciter des faux espoirs au sein de l’opinion nationale. Selon le chef de l’État, son gouvernement serait en négociation avec les syndicats des transporteurs (voyageurs et marchandises) pour qu’il n’y ait pas une augmentation des prix dans ce secteur. Tout le monde sait que l’envolée des tarifs de transport est juste une question de temps. Les industries laitières ont déjà revu à la hausse les prix de leurs produits sans que le gouvernement ne puisse faire quoi que ce soit.
Crédibilité en jeu
Amener les opérateurs économiques à stabiliser leurs tarifs, malgré l’augmentation du prix du gasoil, ne va pas sans certaines contreparties de la part du gouvernement. Très mal en point financièrement, l’État ne peut consentir des abattements fiscaux ni renoncer à certaines taxes afin de convaincre les commerçants à ne pas suivre l’évolution haussière des prix à l’échelle mondiale. En décidant (de façon unilatérale) d’augmenter le prix du gasoil à la pompe, le régime en place ouvre la voie à toutes les spéculations sur les tarifs, notamment ceux des produits de consommation courante. Ces jours-ci, les centrales syndicales et les organisations de la société civile jouent leur crédibilité. Si elles échouent à contrer les mesures antisociales du gouvernement, elles perdraient toute légitimité à parler au nom des citoyens de façon générale. D’une manière ou d’une autre, la vie chère a des conséquences insoutenables sur tous les Nigériens, notamment les petites bourses qui sont majoritaires dans notre pays.