Faut-il juger les (anciens) chefs d’État africains ? « Comment donc ? La réponse est sans équivoque, affirmative, car, c’est précisément parce qu’on ne les juge pas, qu’ils se croient tout permis et qu’ils exagèrent », a répondu l’universitaire Camerounais Ferdinand Chindji-Kouleu. Et de reconnaître : « Sur le sol africain, il est impossible de juger les dirigeants parce que la séparation de pouvoirs est illusoire, voire un mythe. Le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, et bien, sûr le pouvoir exécutif, sont confondus entre les mains d’un seul individu qui en dispose selon son bon vouloir. » Cependant, il n’est pas rare de voir d’anciens chefs d’État rattrapés par la justice de leur pays. La corruption et le détournement de deniers publics sont, très généralement, en tête de liste des griefs retenus contre les ex dirigeants africains. Du Soudanais Omar el-Béchir, au Sud-Africain Jacob Zuma en passant par le Burkinabè Blaise Compaoré et le Mauritanien Mohammed Ould Abdel Aziz, ils sont nombreux les anciens présidents africains à se retrouver coincés dans les mailles de la justice.
Certains s’interrogent sur le bienfondé de la base juridique et la légitimité de ces poursuites en arguant des ‘’règlements de comptes politiques’’. Ce constat tombe de lui-même quand on sait que nombre de dirigeants africains ne font guère la différence entre leurs biens personnels et les avoirs de l’État. Non seulement ils se servent sur les deniers publics sans retenue aucune, mais ils laissent leurs proches et autres courtisans en faire autant. En début d’année 2022, en Guinée, il y a eu l’annonce de l’ouverture d’enquêtes sur les crimes de sang sous Alpha Condé, les choses n’ont pas bougé dans ce sens au grand dam des victimes. Par contre, la junte au pouvoir à Conakry a ordonné ce 3 octobre d’engager des poursuites judiciaires contre l’ancien président qu’elle a renversé par un coup d’État en 2021. En plus d’Alpha Condé, quelque 180 hauts cadres ou ex-ministres sont également visés par des accusations de corruption. En Afrique, il nous faut apprendre à faire rendre gorge à nos dirigeants ripoux.