Dans la droite ligne de l’accord sino-béninois relatif à la levée du blocus imposé par Cotonou aux exportations du pétrole brut nigérien, une réunion tripartite Niger – Bénin – WAPCO s’est tenue à Niamey les lundi 27 et mardi 28 mai aux fins d’examiner les sujets urgents liés à la bonne conduite des opérations d’exploitation du pipeline. Mais les lignes ne semblent pas avoir bougé dans la crise qui oppose le Niger et le Bénin.
L’exportation du brut suspendue à un accord entre les Douanes nigériennes et béninoises
C’est le Ministre béninois de l’Energie et des Mines, SeïdouAdambi qui a conduit la délégation béninoise ayant pris part à la réunion du Comité inter-États de pilotage du pipeline Niger-Bénin, en présence d’une délégation de WAPCO (West African Oil Pipeline), la structure en charge de la gestion del’oléoduc. Les échanges ont porté sur deux (2) questions essentielles : le passage transfrontalier du matériel du personnel pour le bon fonctionnement du pipeline et la coordination des activités d’enlèvement du pétrole brut sur le terminal de Sèmè Kraké. Le premier point a fait l’objet d’une communication de WAPCO à l’endroit du Niger et du Bénin. Le problème de la fermeture de la frontière du Niger avec le Bénin s’étant posé, WAPCO a émis le vœu de voir le Niger trouvé une solution. Mais le Bénin est dans une posture si belliqueuse vis-à-vis du Niger qu’il serait difficile de voir cette frontière rouverte dans les plus brefs délais.
Concernant le deuxième point, c’est-à-dire la coordination des activités d’enlèvement du brut nigérien au terminal pétrolier béninois, c’est le Bénin qui est le plus interpellé, lesdites activités se déroulant sur son sol. Il a été décidé d’instruire les Douanes du Niger et du Bénin pour trouver rapidement un accord relatif au déroulement des opération de chargement des tankers.
Rencontre Tiani – Adambi manquée
Les observateurs s’attendaient à une décrispation de la crise entre le Niger et le Bénin à l’issue de la réunion du Comité inter-États de pilotage du pipeline Niger-Bénin. Mais cette décrispation n’est pas encore en vue. Le Ministre béninois de l’Energie et des Mines est retourné au Bénin sans avoir rencontré le président du CNSP, chef de l’État, le général Abdourahamane Tiani. D’après Cotonou, son émissaire serait pourtant porteur d’un message du président béninois à son homologue nigérien. “Selon le plan initial, le messager de Patrice Talon devait avoir un tête-à-tête avec le général Tiani après la session du Comité inter–États. Malheureusement, Adambi a passé 48 heures sur le sol nigérien sans parvenir à délivrer le message du président Talon à son homologue Tiani.” A son retour à Cotonou, le Ministre Seïdou Adambi a déclaré qu’il ne lui revenait pas d’apprécier la situation. “C’est au chef de l’État d’apprécier. Je lui rendrais compte de ce qu’il s’est passé à Niamey.” Mais le président Patrice Talon avaitdéjà laissé entendre, à la mi-mai, que les chargements suivants ne se feraient que si le Niger rouvrait complètement sa frontière avec le Bénin, ce qui n’est toujours pas le cas.
Que veut Talon ?
De la réaction de Patrice Talon dépendra le dégel de la crise qui oppose le Niger et le Bénin au sujet de l’exportation du brut d’Agadem. Les observateurs ne manquent pas de s’interroger sur la posture rigide du président béninois alors même que le transit du pétrole devrait rapporter à Cotonou de substantielles retombées financières. Selon l’article 20, alinéa 1, du chapitre 10 relatif au droit de transit, les deux parties ont convenu que “pour le pétrole brut transporté par le système de transport, le taux unitaire du droit de transit sera un demi dollar US (0,50 dollar US) par baril au cours des dix (10) premières années de la période d’exploitation.” Le premier chargement du brut nigérien, le 19 mai, a permis au Bénin d’engranger la somme de 500 000 dollars US, soit un peu plus de 300 millions de francs CFA. Pourquoi Talon s’entête-t-il alors à vouloir bloquer le pétrole nigérien ? Jouerait-il le jeu d’un agenda extérieur, en l’occurrence français, décidé à saper les intérêts du Niger ? Alors que Cotonou démentait toute présence militaire étrangère hostile au Niger sur son sol, un haut gradé français a laissé entendre que Paris disposerait de bases non permanentes au Bénin. Niamey ne ment pas donc lorsqu’il portait des accusations contre le pays de Patrice Talon.