Un président sous pression
Ces jours-ci, le service de la communication présidentielle est pris d’une indescriptible fébrilité. Les manchettes de la presse gouvernementale renseignent grandement sur la préoccupation actuelle de Bazoum Mohamed : « Le président de la République rencontre les centrales syndicales et les organisations de la société civile sur la hausse du prix du gasoil : des consultations pour prévenir l’impact de la mesure sur les prix des denrées de première nécessité », lit-on, entre autres titres. Bazoum Mohamed rencontre, il échange, il essaye de convaincre ses interlocuteurs, il est au four et au moulin. En vérité, le chef de l’État est sur un volcan. Une situation anxiogène qu’il a lui-même créée, pour ainsi dire. La décision unilatérale d’augmenter le prix du gasoil à la pompe n’est certainement pas la meilleure idée qui ait effleuré l’esprit de Bazoum Mohamed depuis qu’il occupe la fonction suprême.
Ça grogne de partout
Longtemps en hibernation, le front social nigérien donne des signes de vie depuis ce 1er août 2022, date d’entrée en vigueur du nouveau tarif du gasoil à la pompe. Mis sur pied le jour de la célébration du 62ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Niger (3 août), le mouvement M62 se veut le fer de lance de la contestation contre la présence militaire française dans notre pays. Les initiateurs de cette coalition n’en demeurent pas moins hostiles contre la hausse du prix du gasoil. Le M62 projette des manifestations sur toute l’étendue du territoire national pour ce 17 août 2022. Il est évident que le régime de Bazoum Mohamed retient son souffle. Le M62 peut être le détonateur d’une contestation socio-politique rarement vue au Niger. Tournons La Page (TPL-Niger), un mouvement citoyen, donne de la voix depuis des mois relativement à plusieurs questions d’ordre social et politique. TPL-Niger est aussi en première ligne face à l’augmentation du prix du gasoil. Ce 4 août, l’Intersyndicale des Travailleurs du Niger (ITN) a laissé entendre : « Cette décision inattendue et antisociale prouve à suffisance l’insouciance du gouvernement face aux souffrances des populations […] ». Inutile de dire que l’ITN rejette catégoriquement la démarche du pouvoir en place. On le voit, ça grogne de partout. Tout laisse croire qu’une tempête sociale s’annonce.
Les mots ne suffiront pas
« PROTOCOLE D’ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGER D’UNE PART, ET LE COLLECTIF DES SYNDICATS NATIONAUX DES TRANSPORTEURS MARCHANDISES, L’ORGANISATION PATRONALE DES GARES MODERNES, LES ASSOCIATIONS DES CONSOMMATEURS DU NIGER D’AUTRE PART, EN PRESENCE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DU NIGER », tel est l’intitulé du document rendu public ce 09 août 2022 par le gouvernement. On ne sait quand est-ce qu’un ‘’accord’’ a été trouvé entre les signataires dudit document. Le plus surprenant, c’est de voir le nom de Maman Nouri qui prétend agir avec l’aval des associations des consommateurs. C’est la sidération dans le milieu des défenseurs des droits des consommateurs quand on sait que Maman Nouri ne représente que sa seule structure, à savoir l’ADDC-Wadata. Il est évident que le gouvernement cherche à donner un poids artificiel à ce soi-disant accord. C’est la preuve que le chef de l’État (lequel a personnellement présidé ces fameuses rencontres) ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre. Sa décision d’augmenter le prix du gasoil (de 130 FCFA) est extrêmement impopulaire dans un pays où les revenus des travailleurs sont restés inchangés depuis 10 ans, comme l’a souligné l’ITN, si elle ne régresse d’ailleurs pas pour nombre de catégories sociales. Cette hausse vient réduire davantage le pouvoir d’achat déjà très fragile des ménages nigériens. Il y a de l’insincérité dans la démarche des syndicats qui se sont prêtés au jeu du gouvernement. Les mots et les engagements pris du bout des lèvres ne suffiront pas à endiguer la flambée des prix qui est d’une ampleur mondiale. Comment le chef de l’État compte-t-il diriger le pays sachant que la météo ne cesse de se dégrader sur tous les fronts ? Pour calmer l’ire populaire grandissante, Bazoum Mohamed n’a d’autre choix que de mettre en marche des trains de mesures sociales. A-t-il les moyens de contenter, un tant soit peu, ses administrés dont la colère ne cesse d’augmenter ? La question reste posée.