Le 02 mars 2021, dix-sept (17) tonnes de résine cannabis d’une valeur marchande de 20 milliards de francs CFA sont saisies à Niamey, en provenance du Liban, via le port togolais de Lomé. Une saisie record opérée par l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) dirigé par le Contrôleur Général de Police Boubacar Issaka Oumarou. La drogue, soigneusement conditionnée dans des emballages étanches, était dissimulée dans un camion-citerne immatriculé au Bénin et censé contenir des hydrocarbures. La drogue était destinée à la Libye et devait passer par Agadez. Treize (13) personnes, onze Nigériens et deux Algériens, sont arrêtées. Elles seront poursuivies pour trafic international de drogue, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs et placées sous mandat de dépôt le 11 mars. Parmi les inculpés, un certain Ghoumour Bidika, originaire d’Agadez, présenté par le Groupe d’experts du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Mali comme un « grand baron de la drogue ».
Une faille judiciaire
A propos de la détention préventive, le code de procédure pénale dispose en son article 132 (loi n° 2003 – 26 du 13 juin 2003) : « En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur ou égal à 3 ans d’emprisonnement, l’inculpé domicilié au Niger ne peut être détenu plus de six mois après sa première comparution devant le juge d’instruction s’il n’a pas été déjà condamné soit pour crime, soit pour délit à un emprisonnement de plus de trois ans sans sursis. Dans les cas autres que ceux prévus à l’alinéa précédent, l’inculpé ne peut être détenu plus de six mois renouvelables une seule fois par ordonnance motivée du juge d’instruction ». En septembre 2021, les conseils du prévenu Ghoumour Bidika constatent que le mandat de dépôt de leur client n’est pas renouvelé par le doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Une aubaine pour les avocats, qui se frottent les mains. Ils introduisent auprès dudit doyen une demande de main levée sur le mandat de dépôt qui pesait sur leur client. La demande est rejetée. Les avocats saisissent alors, en appel, la Chambre de contrôle en matière de lutte contre le terrorisme de la Cour d’appel. Elle confirme l’ordonnance de rejet. Ne s’avouant pas vaincus, les avocats forment un pourvoi en cassation devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation. En octobre 2021, la plus haute juridiction en matière judiciaire casse et annule l’arrêt de la Chambre de contrôle de la Cour d’appel pour violation de l’article 132 du code de procédure pénale. C’est la libération d’office pour Ghoumour Bidika et tous les autres prévenus.
Réquisitoire supplétif improductif
Pour tenter de sauver la face de la justice face à cette déconvenue qu’est la libération de trafiquants notoires de drogue (Ghoumour avait été interpellé en 2013 par les Américains, mais remis en liberté du fait que les perquisitions à son domicile n’avaient rien donné), le Parquet près le tribunal de Niamey fait un réquisitoire supplétif relativement à l’infraction de financement du terrorisme. Un nouveau mandat de dépôt est émis contre les prévenus. La loi étant la loi, le doyen des juges d’instruction rend une ordonnance de non-lieu en faveur des inculpés. Mais l’appel du Parquet général près de la Cour d’appel arrive quatre (4) mois après, il est trop tard. Il est rejeté et déclaré irrecevable pour forclusion, c’est-à-dire pour hors délai.
Déception en haut lieu
Fin février à début mars 2023, la dizaine d’inculpés en détention sont sortis de prison sans être jugés. Ghoumour Bidika a même été accueilli en héros à Agadez. Comment vont réagir les Américains, des partenaires efficaces du Niger dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale, eux qui auraient joué un rôle dans l’arrestation de Ghoumour le 04 mars 2021 à Agadez ? Comment des trafiquants de drogue ont-ils pu s’en tirer à bon compte ? Ces questions, et bien d’autres peut-être, ont certainement taraudé l’esprit du Président Mohamed Bazoum et de son Ministre de la Justice, lequel avait cherché à savoir ce qu’il s’est passé.