La Cour de Justice de la CEDEAO va en principe prononcer son délibéré tant attendu «sur l’Affaire Bazoum et 2 autres contre l’Etat du Niger», ce matin. L’extrême tension provoquée par les sanctions dans le pays du seul fait du renversement de Mohamed Bazoum est le résultat d’une incompréhension totale des populations nigériennes, lassées d’un système démocratique exclusivement électoraliste, ne produisant finalement que la misère et l’insécurité dans notre espace. Les dispositions pertinentes des textes de l’institution régionale, hors de la portée des populations, ne leur permettent pas d’admettre pourquoi elles devraient subir les effets des sanctions inhumaines, dont le but ultime est, tout compte fait, de contraindre les auteurs du coup d’Etat du 26 juillet 2023 à libérer le président déchu et le réinstaller dans ses fonctions.
Ce que l’opinion nigérienne déplore est le fait que la gouvernance de ces douze (12) dernières années, menée par les autorités du pays est en parfaite contradiction avec l’esprit de la Constitution de la 7ème République et du Protocole sur la Démocratie et la Bonne gouvernance. En plus de ces interrogations légitimes les populations se posent des questions sur le jeu non compréhensible par le citoyen lambda à la fois des autorités de la Transition, de la CEDEAO et des acteurs de l’ancien parti au pouvoir et surtout, le premier d’entre eux, Mahamadou Issoufou.
Décryptage
A quoi joue la CEDEAO ?
A l’ouverture de la 64 ème session de la CEDEAO ce 10 décembre, le monde entier a été choqué de voir apparaître à l’écran le visage des anciens dignitaires derrière le drapeau Nigérien. Certains ont cru à un montage grossier. Ce mercredi, cette bourde diplomatique a fait l’objet d’un communiqué du CNSP auquel la CEDEAO a répondu dès lendemain, sans convaincre. C’est pourquoi le jeu trouble de cette organisation moribonde doit cesser au risque de perdre le peu de crédit qui lui reste dans les opinions publiques. La CEDEAO a échoué à faire plier le Niger avec les sanctions inédites et elle devait admettre avant le sommet que Mohamed Bazoum est hors course depuis le 26 juillet, quand les Forces Armées Nigériennes (FAN) dans leur ensemble avaient rallié le CNSP. Où était cette CEDEAO quand notre pays occupait le dernier rang du classement de l’Indice de Développement Humain (IDH) du PNUD pendant plus d’une décennie ? Ceci du fait d’un système éducatif affaibli par le régime dit de la « Renaissance » et d’une paupérisation sans précédent de la population, couplée à une insécurité innommable. La CEDEAO, il faudrait le lui rappeler est avant tout une organisation d’intégration économique, pas un jouet politique aux mains de certaines puissances.
Le jeu ambigu des pontes du PNDS-Tarayya des deux bords
Si la position trachée des proches de Mohamed Bazoum notoirement connus est compréhensible, par contre, celle des apatrides volontaires réputés proches de l’ex président Mahamadou Issoufou reste à décoder. La posture de l’ex Premier ministre Mahamadou Ouhoumoudou dont on dit qu’il a été imposé à son poste par son mentor de même que Alkache Alhadaqui aurait été limogé de son poste de ministre de l’Intérieur par Bzoum semble-t-il pour incompétence suite aux incidents de Téra et repêché in extremis lui aussi par celui qui a été son mentor, ne peut être comprise par l’opinion. Jouent-ils pour Issoufou ou pour eux-mêmes du fait de la perte de leurs privilèges ? Ou sont-ils acteurs dans un scénario plus que machiavélique écrit par qui vous savez ? En effet, tout retour à son poste de l’ex président Issoufou, qui a épuisé ses deux mandats constitutionnels ne peut se réaliser que dans le cadre d’un courte Transition. Connaissant l’homme qui a été de tous les coups politiques depuis la Conférence Nationale Souveraine, rien ne doit être exclu dans ce pays qui est à sa septième constitutions.
Laxisme volontaire de la Transition ?
Depuis le premier jour du coup d’Etat, le peuple Nigérien qui a soutenu vaillamment le CNSP se surprend à avaler des couleuvres du fait d’une bonhomie quand il s’agit de mettre les dirigeants déchus aux pas. Mieux, il a fallu une sérieuse montée d’adrénaline pour que certains pontes de l’ancien régime soient neutralisés. On se rappelle que son téléphone avait été laissé à Bazoum qui a pu organiser son plan d’évasion qui fort heureusement a échoué. Le plus incompréhensible, c’est la facilité avec laquelle les fuyards ont pu franchir la frontière avec un gouvernement en exil à l’horizon qui trouble le sommeil de nos dirigeants et des Nigériens en général qui se rendent compte qu’il existe bel et bien de supers Nigériens qui ont le droit eux de vivre tranquillement en exil tout en demandant de bombarder les 26 millions de Nigériens, leurs familles comprises et/ou de les maintenir sans eau ni électricité, sans médicaments, sans nourriture. Pourtant les « Renaissants », quand ils exerçaient le pouvoir durant les 12 dernières années ne s’étaient jamais gênés pour parler du monopole de l’Etat sur l’usage légitime de la force quand ils étaient interpellés sur la violence exercée contre les manifestants. Tout un chacun a été témoin du traitement qui a été réservé aux opposants vivant à l’extérieur ou à leurs familles. D’ailleurs, c’est la liberté laissée aux fuyards qui a conduit à l’exaspération des autorités face au tapis rouge déroulé aux apatrides au dernier Sommet de la CEDEAO. Les chefs d’Etat pourraient reprocher au CNSP : «si vous laissez vos brebis égarés leur liberté d’agir, qu’est-ce que nous pouvons faire» ? Est-ce qu’un compatriote qui traverse clandestinement la frontière a le droit de demander l’extermination de ses semblables sans avoir à subir des pressions de ses proches restés au pays ? Le CNSP doit revoir sa copie. Les moyens de pression qui existent dans toutes nos communautés doivent être activés pour garantir la paix sociale. Au nom du contrat social Roussoiste qui permet aux hommes de vivre libre sous la protection de loi contrairement à l’état de nature où c’est la loi du plus fort qui prévaut. Ouhoumoudou, Massoudou et Alkache et les autres ne peuvent continuer à agir et parler à leur guise contre les intérêts de 26 millions de Nigériens juste parce qu’ils ont perdu le pouvoir dont ils n’ont d’ailleurs su rien faire pendant plus de 12 ans. Pourquoi les autres pontes influents auprès de l’ex-président se taisent face à ce qui se présente comme le scénario le plus rocambolesque de l’histoire politique du Niger ? Au fait qu’est devenu Katambé, le plus honnête des Tarayyistes ? Qui peut nous aider à démêler l’écheveau sera le bienvenu.