Le onzième coup d’Etat de l’histoire du Burkina Faso aura été un drôle de putsch. Il a été plié en deux jours comme le précédent contre Rock Marc Christian Kaboré le 24 janvier 2022. La situation sécuritaire sur le terrain au pays des hommes intègres était devenue très mauvaise et les jihadistes en ont profité pour accroître leur influence sur de vastes zones qu’ils contrôlent désormais (plus d’un 1/3 du territoire) au détriment des autorités burkinabé. Les affrontements entre les terroristes et l’armée régulière, qui se multiplient, s’accompagnent de sanglantes tueries contre les civils. Djibo, ville du nord, a même été mis sous blocus des groupes armés. Autant de maux qui ont fini par engendrer un coup d’Etat contre le lieutenant-colonel Paul-Henry Damiba. Ce nouveau coup de force au Burkina Faso était tout sauf une surprise, car la junte au pouvoir n’avait pas réussi à endiguer les attaques jihadistes et à empêcher la prolifération du terrorisme. L’UA et la CEDEAO ont fermement condamné ce coup d’Etat. Si cette décision à première vue de haute portée morale ne peut qu’honorer ces institution régionales, elle manque de faire la part des choses entre, d’un côté, la nocivité des coups d’Etat et, de l’autre, leur troublante nécessité.
Car comme disait Anatole Ayissi, ‘’sous certaines conditions, et étant donné certaines circonstances, que l’on pourrait qualifier d’exceptionnelles, un coup d’Etat peut très bien représenter la vertu et le courage politiques suprêmes du fait de son pouvoir libérateur du peuple’’, c’est aujourd’hui le cas au Burkina Faso. Le coup d’Etat n’est pas un mal. Il est un symptôme. C’est-à-dire la manifestation externe, une sorte de signal d’alarme qui nous indique que quelque part il existe quelque chose qui ne va pas. Le mal auquel il est nécessaire dans ce cas de trouver remède n’est pas le coup d’Etat, mais la cause qui produit le coup d’Etat. La question n’est donc pas tant le coup d’Etat que les conditions et les situations qui le permettent ou l’encouragent. Autant la sagesse conventionnelle nous apprend que les peuples n’ont que les dirigeants qu’ils méritent, autant pourrait-on légitimement soutenir que les Etats incapables d’assurer la liberté et la sécurité de leurs citoyens n’ont que les coups qu’ils méritent et tant qu’ils les méritent. ‘’Y a-t-il aujourd’hui en Afrique des formes de gouvernance qui nous permettent de nous défaire (sans violence) d’un gouvernement mauvais, ou seulement incompétent, qui cause du tort au pays ?’’ se demandait Karl Popper. Si la réponse à la question est non, alors les coups d’Etat ont encore un bel avenir sur notre continent.