Lorsque le régime du PNDS-Tarayya, qui faisait preuve d’intolérance à toute forme de critique, était renversé par un coup d’État militaire, le 26 juillet 2023, le peuple nigérien avait renoué avec l’espoir d’un espace civique rassurant et d’une justice libérée du joug des forces centrifuges. LeConseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) avaiten effet très vite affirmé son attachement au respect des droits et libertés de la personne humaine. Mais cet espoir sera en un laps de temps déçu. Les perquisitions et interpellations extrajudiciaires sont passées par là. Et dès le 29 juillet, soit trois jours seulement après le coup d’Etat, le Barreau du Niger attirait l’attention des autorités militaires sur l’impérieuse nécessité de préserver les droits et libertés des citoyens. Cette interpellation n’ayant visiblement pas été entendue par les militaires, le Barreau remet le couvercle ce samedi 17 février 2024. Il exprime cette fois son ras-le-bol au sujet non seulement des droits et libertés, mais aussi de la situation des avocats au niveau de la COLDEFF.
Du non-respect des droits et libertés des citoyens
Les robes noires disent constater depuis quelque temps de graves manquements au respect de la légalité et des libertés publiques. « Le Barreau a été plusieurs fois interpellé sur la persistance des privations des libertés par la DGDSE [Ndlr : les services de renseignements extérieurs] qui procède à des interpellations, des arrestations et des détentions en dehors de toute procédure judiciaire, en violation du code de procédure pénale », a déploré le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, Maître Oumarou Sanda Kadri. Ces perquisitions et interpellations de citoyens se faisaient en effet en dehors des règles prévues par les lois et règlements. Et dire que le CNSP avait affirmé son attachement aux principes de l’Etat de droit et de la démocratie, ce qui est censé assurer à tous l’égalité devant la loi. Le CNSP avait pris également l’engagement de garantir les droits et libertés de la personne humaine tels que définis par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples de 1981…
Au sujet de la COLDEFF
Au regard de ses pouvoirs étendus, la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale (COLDEFF) apparait plus qu’une juridiction ordinaire. Elle pouvait en effet procéder à des gardes à vue, des perquisitions, et juger à travers le pouvoir de transiger. Ce qui a fait dire aux avocats que la COLDEFF viole les dispositions juridiques en vigueur. Et pour ne rien arranger, les avocats se voient refuser le droit d’assister leurs clients devant cette commission, alors même que l’avocat est un professionnel du droit dont la mission principale consiste à conseiller, assister et représenter ses clients dans le cadre de procédures juridiques. En tant que conseil, l’avocat aide ses clients à comprendre leurs droits et obligations, et à prendre des décisions éclairées concernant leur situation juridique. Pour le Barreau, « le respect strict des droits de la défense est une des règles fondamentales de la justice. Sa traduction concrète consiste dans le droit pour chaque citoyen, présumé en conflit avec la loi, de bénéficier de l’assistance d’un défenseur. » Aussi, la corporation des avocats exige que « cesse toute interpellation et détention arbitraires et que l’exercice du droit de la défense soit pleinement assuré comme le prévoit les textes internationaux et nationaux. »
Ce nouvel appel des Avocats au CNSP sera-t-il entendu ? Ces Avocats vont-ils se contenter de déclarations sans lendemain ?Pour Nelson Mandela, « priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité. » Affaire à suivre…