La tradition désormais établie consistant pour les ministres de visiter les entités publiques et privées relevant de leurs départements ministériels dès qu’ils prennent fonction n’est pas en soi mauvaise. C’est un rituel leur permettant de prendre contact et échanger directement avec les responsables sur le fonctionnement de leurs entités et recueillir les difficultés auxquelles ils sont confrontés en vue d’une recherche de solutions.
Ces visites d’inspection ne se limitent pas aux seuls services étatiques déconcentrés et établissements privés de la capitale, elles sont élargies aux régions où les ministres organisent des missions spéciales pour aller s’enquérir sur comment les choses se passent là-bas.
Au niveau de chaque service visité par le ministre, ses collaborateurs directs, tels des scribes, sont scotchés à ses basques avec bloc-notes et stylos, pour chercher à noter la substance des échanges avec les responsables des structures. Lesquels échanges tournent généralement sur la présentation du service et du secteur d’activités, des difficultés qu’ils rencontrent, des solutions formulées sous forme de doléances.
Partout où il passe, le ministre sectoriel dit avoir pris note des problèmes qui entravent le bon fonctionnement du service, promettant de leur trouver de solutions rapides. La mission est accomplie et la page tournée.
Les doléances exposées par les responsables de l’entité que le ministre a promis d’étudier en vue de les solutionner restent, le plus souvent, sans suite. Rarement, un début de règlement est trouvé à certaines d’entre elles. Et là aussi, c’est lorsqu’il s’agit d’un problème interne de gestion à un service de l’Etat, qui peut être solutionné sur simple instruction du ministre. Si le règlement du problème nécessite l’implication d’autres acteurs, ils sont incapables d’user de leur autorité pour le régler.
Du coup dans notre pays, depuis des décennies, les visites de prise de contact et d’inspection des ministres dans les services relevant de leurs départements se résument à cela. C’est une farce, un cirque auquel ils s’adonnent juste pour chercher à montrer à l’opinion nationale qu’ils travaillent et leur détermination à relever les défis alors même qu’ils n’en sont nullement capables.
Pour preuve d’un régime à un autre, d’un ministre à un autre à la tête d’un département, ce sont quasiment les mêmes doléances qui sont soulevées lors de ces visites contreproductives, qui permettent juste aux ministres de prendre un peu d’air et meubler leur temps.
Pour ne pas donner l’impression de parler dans le vent, dans le secteur des médias, par exemple, ça fait des décennies que les acteurs du privé soumettent comme doléances aux ministres l’accès équitable à la manne publicitaire et à la redevance RTN collectée sur les factures de la Nigelec, la hausse substantielle du fonds d’aide aux médias privés, l’adoption de la convention collective, la détaxation des intrants et matériels dans le secteur de l’information et de la communication, etc. Jusqu’ici, les lignes n’ont pas bougé d’un iota malgré les promesses prises par les ministres successifs lors de leurs visites des organes de médias.
Ce constat est aussi valable pour le ministère du Commerce où la protection des droits des consommateurs est juste effleurée du bout des lèvres lorsque les ministres visitent les établissements des opérateurs économiques pour s’enquérir de la disponibilité des produits alimentaires.
Même dans un contexte difficile comme celui qui nous traversons depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, caractérisé par l’embargo illégal et criminel de la CEDEAO. Une situation qui a provoqué une inflation incontrôlée des prix des denrées alimentaires sur le marché, face à laquelle le ministère du Commerce peine à taper du poing sur la table pour imposer aux commerçants la discipline dans la fixation des prix et soulager les souffrances de pauvres consommateurs désargentés.