Le ministre nigérien de la Justice a instruit les procureurs et présidents des tribunaux pour procéder à l’annulation de ‘’toutes condamnations prononcées en application de la loi N° 2015-36 du 26 mai 2015’’ criminalisant le trafic des migrants dans le pays, à travers un message radio diffusé lundi 27 novembre 2023.
Mais ‘’avant toute remise en liberté, les procureurs et les présidents des tribunaux doivent dresser les listes des personnes susceptibles de prétendre au bénéfice de cette mesure…’’, qui fait suite à l’abrogation de la loi criminalisant l’activité par une ordonnance signée le 25 novembre 2023 par le Général Tiani Abdourahamane.
‘’Les condamnations prononcées en application de la loi N°2015-36 du 26 mai 2015 ainsi que les effets sont effacés à compter du 26 mai 2015. Aucune réclamation de quelque nature que ce soit sur la base de la présente ordonnance n’est recevable’’, lit-on dans le document.
Cette loi répressive -renforcée en 2016 par l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière – a été initiée après le sommet de La Valette de novembre 2015 à l’issue duquel Niamey s’est engagé à collaborer étroitement avec l’Union européenne (UE) pour stopper les migrants irréguliers transitant par son territoire pour tenter de gagner l’Europe, via la Libye et l’Algérie.
Selon l’article 20 de loi, ‘’tout transporteur commercial, personne physique ou morale responsable de l’exploitation d’une activité de transport commercial, qui omet de vérifier que chaque passager est en possession des documents d’identité et/ou de voyage requis pour l’entrée dans l’Etat de destination ou dans tout Etat de transit, commet une infraction passible d’une peine d’emprisonnement de 3 à 10 ans’’.
Laquelle loi prévoit aussi une peine d’amende allant de 1 à 3 millions de francs CFA et la confiscation pure et simple des véhicules de transport.
Depuis lors, son application s’est traduite par l’arrestation de dizaines de personnes et la confiscation d’autant de véhicules dans les régions de Zinder (sud-est) et d’Agadez (nord du pays) par où transitent généralement les migrants en partance pour la Libye ou l’Algérie.
Un travail de suivi effectué récemment par un consortium d’ONG et associations locales intervenant sur la migration fait état de ‘’35 migrants et requérants d’asile dont 4 femmes encore en détention dans des prisons du pays. Certains sont condamnés, d’autres sont en détention préventive’’, note son rapport publié la semaine dernière.
L’on ne connaît pas le nombre exact de passeurs emprisonnés ainsi que celui des véhicules immobilisés et confisqués dans le cadre de l’application de la loi criminalisant l’activité.
Son abrogation par le président Tiani -un coup dur pour l’Union européenne et certains organismes des Nations Unies (UNHCR, OIM, etc.) – est accueillie avec joie par la population d’Agadez dont la prospérité économique a longtemps reposé sur ce trafic lucratif qui occupait des nombreux jeunes de la région.