Contrairement à l’idée reçue, la versatilité des opinions n’est pas une spécialité des politiciens africains. L’essayiste français Bruno Fuligni a dit : « L’Histoire est plus maligne que tous les politiciens de la terre. Malgré leur habileté, elle se joue de ces transfuges et autres indécis aux convictions variables qu’on a appelés au fil des époques, girouettes, moulins à vent, matois, caméléons, opportunistes, Saxons, toupies hollandaises, jaunes : autant d’ambitieux que la mémoire oublie et de félons devenus Historiques. » Pour dire que le retournement de veste en politique remonte à des temps immémoriaux. C’est bien naïf de croire qu’en politique, les opinions sont irréversibles. Sauf qu’il y a des limites à ne pas franchir. Il faut se garder de dénier toute intelligence à son électorat. Nombreux sont les hommes politiques nigériens qui, en multipliant les transhumances et les reniements, pensent que leurs militants n’ont aucune capacité de penser par eux-mêmes. Un régime est délégitimé aujourd’hui pour être légitimé le lendemain, ainsi opère la majorité des politiciens de notre pays. Quoiqu’assez répandue partout dans le monde, l’inconstance dans les prises de positions politiques vire au fléau au Niger.
Le tout premier régime véritablement démocratique de l’histoire de notre pays est vite parti en miettes du fait de la versatilité dont a fait montre le PNDS-Tarraya. L’éclatement, en octobre 1994, de l’Alliance des Forces du Changement (AFC) découle du subit changement de position d’un certain Issoufou Mahamadou. Plus récemment, on a vu Ibrahim Yacouba se poser en pourfendeur de Bazoum Mohamed. Durant la campagne électorale, par monts et par vaux, le leader du MPN – Kishin Kassa est allé déconstruire l’image du candidat du PNDS-Tarraya. Après le scrutin, Ibrahim Yacouba n’a eu de cesse de qualifier d’illégitime le pouvoir de Bazoum Mohamed. Le virulent contestataire d’hier est aujourd’hui ministre d’État dans le gouvernement qu’il a durement vilipendé. Ibrahim Yacouba est loin d’être un cas isolé. Alors chef de file de l’opposition, Seini Oumarou a inventé l’expression ‘’régime satanique’’ pour dénigrer le pouvoir d’Issoufou Mahamadou. Depuis 2016, le leader du MNSD-Nassara soupe tranquillement avec le même ‘’système satanique’’. Comme quoi, la constance dans le combat n’existe pas dans le lexique de nombre de politiciens nigériens. Dans notre pays, on embrasse la politique non pas par conviction, on y vient pour s’assurer le gîte et le couvert, pour défendre son bifteck. La corruption qui gangrène l’État puise ses racines dans le monde politique. C’est le lieu de rappeler aux politiciens nigériens cette citation de l’homme d’Église français Jean-Baptiste Massillon : « Ce qui coûte le plus dans la vie, c’est d’être constant et fidèle en tout. » En politique, la constance n’est pas un vain mot.
Sidi Tiégoum