« Quand je condamne un coup d’État, qui plus est dans un pays aussi proche et lié au mien que le Mali, je suis donc dans mon rôle. Notre régime est de nature démocratique, et je suis un militant de la démocratie, ce qui m’autorise à dire ce que je pense lorsque cette dernière est menacée », a déclaré Bazoum Mohamed dans les colonnes de Jeune Afrique à l’endroit des autorités de transition maliennes. On veut bien croire le président de la République quant à la constance et la sincérité de ses principes politiques. Sauf que Bazoum Mohamed distille les condam- nations de manière fort sélective. Autant s’est-il montré hyper critique envers Bamako, autant il affiche un visage accommodant avec N’Djamena. Avant même l’enterrement de l’ancien maréchal du Tchad Idriss Déby Itno (mort le 18 avril), le chef de l’État nigérien a tenté de se poser en médiateur entre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) et N’Djamena. Cette initiative unilatérale n’a eu d’effet que de provoquer le courroux de Mahamat Idriss Déby, le nouvel homme fort du Tchad. Malgré ce fiasco, Bazoum Mohamed n’a pas dévié du cap qu’il s’est fixé : être très ami-ami avec les nouvelles autorités tchadiennes.
Le président nigérien a été aux premières loges lors des obsèques du maréchal du Tchad, le 23 avril 2021. Bazoum Mohamed qui abhorre, dit-il, les putschs, ne sait-il pas que Mahamat Idriss Déby est venu au pouvoir par ce même procédé ? Ce dernier a abrogé la Constitution, dissout le gouvernement et l’Assemblée nationale du Tchad : cela s’appelle un coup d’État. Il n’existe pas de grande différence entre Assimi Goïta et Mahamat Idriss Déby. Pourquoi Bazoum Mohamed ne trouve rien à redire sachant que la famille Déby règne sur le Tchad (de main de maître) depuis trois décennies ? Pour certains, le président nigérien n’a d’autre choix que de faire le deuil de ses ‘’convictions’’ politiques et s’aligner sur la vision de Paris : « La France ne laissera jamais personne menacer ni aujourd’hui ni demain la stabilité et l’intégrité du Tchad », a martelé Emmanuel Macron juste après le décès d’Idriss Déby. Bazoum Mohamed a délégué son Premier ministre pour assister à l’investiture de Mahamat Idriss Déby, ce 10 octobre 2022. Déby fils aurait dû rendre le pouvoir et organiser des élections s’il s’est tenu aux engagements d’avril 2021. Question : pourquoi Bazoum Mohamed ne réclame-t-il pas la fin de la transition militaire au Tchad comme il le fait avec le Mali ? C’est clair, les condamnations du président nigérien sont à géométrie variable.