Le 23 avril 2021, aux funérailles d’Idriss Déby Itno à N’Djamena, le président français a fait une promesse qui en dit long sur le lien fusionnel entre Paris et la dictature tchadienne : « La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad », a déclaré Emmanuel Macron. De toute évidence, l’appui de Paris, aussi inconditionnel soit-il, ne suffit pas à Mahamat Déby Itno pour pérenniser le règne de sa famille. « Ce 20 octobre 2022, au moins cinq personnes ont été “tuées par balles” dans les affrontements opposant police et manifestants à N’Djamena », a confirmé une source médicale aux médias en tout début de matinée. Ce bilan macabre a été largement revu à la hausse. L’agitation en cours au Tchad n’a rien de surprenant, elle découle de la prolongation pour deux ans de la “transition” censée s’achever ce jeudi 20 octobre 2022. Maintenu au pouvoir avec la bénédiction de Paris, Mahamat Idriss Déby Itno se retrouve littéralement en terrain miné.
Succès Masra, farouche opposant à la dynastie Déby, a appelé tous les partenaires du Tchad à ne plus reconnaître le Conseil militaire de transition, lequel n’a pas respecté ses engagements. Pour Masra, les choses sont claires, le pouvoir revient de facto au ‘’gouvernement du peuple pour la justice et l’égalité’’, le gouvernement parallèle mis en place par l’opposition tchadienne depuis plusieurs semaines déjà. Jusqu’où la France peut-elle soutenir le clan Déby ? Cette question ne date pas d’hier. Face à la dernière tuerie impliquant le pouvoir de Déby fils, Paris a promptement réagi : « Des violences sont survenues ce matin au Tchad, avec notamment l’utilisation d’armes létales contre les manifestants, ce que la France condamne », souligne le Quai d’Orsay, qui affirme que Paris ne joue « aucun rôle dans ces événements ». La France a beau s’en laver les mains, elle n’en demeure pas moins sous le feu des critiques. Perçue comme ‘’l’assurance vie’’ du clan Déby, l’ancienne puissance coloniale fait l’objet d’un fort rejet de la part de la jeunesse tchadienne. Au-delà de N’Djamena, l’appel à manifester lancé par les partis politiques de l’opposition et la coalition Wakit Tamma pour protester contre la prolongation de la transition a également fait des morts à Moundou, la deuxième ville du Tchad. C’est peu de le dire, le général Mahamat Déby Itno est sur une ligne de crête. Son régime ne tient qu’à un fil, pour ainsi dire. Comme au Mali et au Burkina Faso, faut-il craindre un ‘’coup dans le coup’’ au Tchad ? Tous les scénarios sont envisageables.