Tous les Nigériens se souviennent du discours du président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le général de brigade Abdourahamane Tiani, prévoyant une Transition Inclusive qui ne pourra pas excéder 3 ans. Il est vrai que c’était dans le feu de l’action et sous la pression insistante des boutefeux de la CEDEAO. En outre, à la même époque, au Mali, comme au Burkina Faso et au Tchad, la doxa exigeait ce modus operandi. Mais le nouvel homme fort du Niger avait prévenu solennellement tous ses interlocuteurs que seul le Conseil National de Transition est habilité à fixer la durée de sa propre existence. Un petit flash- back nous ramène en mémoire l’exclamation ironique du président de la République de la Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, s’adressant aux Maliens venus lui proposer une durée de transition de 5 ans : « Vous plaisantez ? » s’était-il écrié, outré.
Le Conseil National inclusif en gestation ou en hibernation
Pour les pays de l’AES (Alliance des États du Sahel), il faut nécessairement que la situation sécuritaire soit satisfaisante pour qu’on puisse organiser des consultations électorales. Partant de ce constat, il est superflu de mettre en place ou d’activer un Conseil National de Transition dont le rôle serait biaisé. Comment en effet déterminer une date de fin de la Transition lorsqu’on ne sait pas quand on pourra aller aux urnes dans des conditions acceptables ? Assimi Goïta du Mali n’est pas allé par quatre chemins pour le proclamer. Ibrahim Traoré du Burkina Faso a fait de même. Et Abdourahamane Tiani, sans le dire formellement, suit le même mouvement. La condition sine qua non pour ces trois pays est une sécurisation minimale dans leurs pays respectifs. L’argument-massue que ces chefs militaires donnent ‘’ off record’’, c’est qu’un militaire a pour mission première de préserver l’intégrité territoriale de son pays et de sécuriser les biens et les personnes qui y vivent, et pas d’organiser des élections, ou des simulacres de consultations électorales. La cause est entendue : aucune date de fin de transition ne peut être avancée dans l’état actuel des choses, ni au Mali, ni au Burkina Faso, ni au Niger.
Un nouvel ordre mondial en marche
Fini le temps des oukases quand les pays dominants du nord pouvaient dicter à ceux du sud comment ils pouvaient gérer leurs propres affaires. Et peut-être même se moucher… Est myope, ou totalement aveugle, celui qui ne veut pas voir qu’une lame de fond, charriant un vent de liberté et de souveraineté s’est abattue sur toute l’Afrique de l’Ouest, voire même au-delà. Les peuples aspirent à retrouver leurs réelles indépendances, et cela passe par un processus innovant. Les figures de proue de cette dynamique historique doivent avoir le courage de dire franchement à leurs peuples que le parcours sera parsemé de difficultés et que ça ne sera pas « une promenade de santé ». Les Peuples, en retour, doivent se préparer à endurer tout ce qu’il y aura à endurer. La liberté, on le sait, a un prix. Les jérémiades que poussent certains de nos compatriotes, excités en sous-main par des intérêts extérieurs, veulent s’appuyer sur un formalisme démocratique improductif. Alors que les donneurs de leçon, les directeurs de conscience de tout poil, en des pareilles circonstances, ont fait preuve de pragmatisme et non d’idéalisme béat. Voyez la naissance des États-Unis d’Amérique, la révolution française de 1789, la révolution soviétique d’octobre 1917, la ‘’longue marche’’ de Mao, l’épopée de Fidel Castro et du ‘’commandante’’ Che Guevara, etc. A la naissance des grands mouvements historiques, il y a toujours des oubliés, des martyrisés, des sacrifiés, bref, la part du feu qu’il faut prévoir. On n’y échappe pas.
A quoi peut-on s’attendre maintenant ?
Il est prévu que l’AES se mue en confédération, avec comme objectif, plus ou moins à court terme, en fédération, c’est-à-dire un ensemble politique, les États-Unis d’Afrique, rêve de tout Africain progressiste. Pour l’heure, les trois États doivent harmoniser leurs parcours afin de favoriser l’atteinte de ses objectifs nobles. La question qui se pose, c’est de savoir jusqu’où nos militaires ont le droit d’aller. Avec quel mandat ? Et de qui ? Les juristes formalistes prétendent que le peuple doit se prononcer en démocratie sur les orientations fondamentales qui le concerne. Cela peut se comprendre. Mais qu’arrivera-t-il quand ces orientations premières sont existentielles et pressantes, donc réflexes, c’est-à-dire ne laissant pas la latitude au peuple de se prononcer d’une manière classique par les urnes ? Il est clair que toute orientation abusive opérée contre la volonté du Peuple se dirige très clairement vers une impasse, ou le bouillonnement de la rue enragée. La volonté du peuple, a mille façons de se faire connaître, étant entendue, que les urnes ne sont qu’une voie parmi tant d’autres. Ayons donc le courage de défricher des voies nouvelles pour sortir des sentiers battus qui ont montré leurs limites. Osons, emprunter des voies nouvelles. Osons.’’