Au plus fort de la brouille entre la France et le Mali, les autorités nigériennes ont pris fait et cause pour Paris. Mais la montée en puissance des groupes djihadistes pousse Niamey à vouloir recoller les morceaux avec Bamako. Un rapprochement qui n’est pas sans risque politique pour Bazoum Mohamed.
« Patriotisme frelaté »
La quête effrénée de « souveraineté » qui s’est emparée du Mali après le coup d’État du 24 mai 2021 a considérablement détérioré les relations entre Bamako et Paris. Face aux impétueux colonels de Kati, la France a pu compter sur le fort soutien de Niamey. « Nous ne pouvons pas accepter que les militaires maliens nous amènent un autre élément hétérogène constitué de mercenaires étrangers dans notre zone », a déclaré Hassoumi Massoudou en septembre 2021. Ouvertement hostile aux autorités de Bamako, le ministre nigérien des Affaires Étrangères ne s’est imposé aucune limite dans sa hargne : « Nous ne comprenons pas que des chefs militaires qui ont échoué sur le terrain de la guerre, prennent le pouvoir politique et au nom d’un patriotisme frelaté, font appel à des mercenaires pour défendre l’intégrité de leur territoire. […] Cette junte est illégitime et prend des mesures irresponsables. Elle porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux », a-t-il assené en janvier 2022. Outré, un éditorialiste malien a écrit : « Massoudou doit savoir que ce n’est pas en se faisant passer pour le bon ‘’démocrate’’ auprès de son maître français qu’on résout la crise sécuritaire au Sahel ». Le temps a donné raison à ce journaliste.
Payer le prix fort
Le 15 mai 2022, le Mali a annoncé son retrait du G5 Sahel et de sa force militaire anti-djihadiste pour protester contre le refus qui lui est opposé d’assurer la présidence de cette organisation régionale formée avec la Mauritanie, le Tchad, le Burkina et le Niger. Cette décision de Bamako a compliqué la tâche aux Forces de Défenses et de Sécurité du Niger, lesquelles ne peuvent plus prendre en chasse les djihadistes au-delà de notre frontière avec le Mali. La ‘’diplomatie de l’insulte’’ de Niamey vis-à-vis de Bamako a un prix. Et il est fort. Le régime de Bazoum Mohamed s’en est rendu compte. On ne peut pas lutter contre le terrroisme au Sahel sans le Mali et surtout pas contre le Mali. La montée en puissance des groupes djihadistes pousse Niamey à vouloir recoller les morceaux avec Bamako. Ce 9 mars 2023, le président de la Transition malienne a reçu le chef d’état-major des armées du Niger. On apprend que le général Mody Salifou a transmis au colonel Assimi Goïta les ‘’salutations amicales de son homologue’’ du Niger, Mohamed Bazoum. « Il a été question, aujourd’hui, de faire le tour de cette coopération et voir comment nous pourrons rentabiliser davantage cette coopération sécuritaire entre nos deux pays », a confié à la presse le chef d’état-major des Armées du Niger. Il s’agit bien d’une tentative de rapprochement. Sauf que la démarche de Niamey ne serait pas pour plaire à tout le monde.
Risque de brouille
Toute reprise de coopération militaire entre Niamey et Bamako suppose un mariage à trois : les FAN (Niger), les FAMa (Mali) et Wagner (Russie). Les autorités maliennes ne font plus mystère de la présence des hommes de Evguéni Prigojine sur leur sol. C’est peu de le dire, Paris a une sainte horreur de Wagner. Pour preuve, en novembre 2022, la France a invoqué les relations entre la junte militaire au pouvoir à Bamako et l’organisation paramilitaire russe Wagner pour suspendre son aide publique au développement au Mali. Il est évident que la tentative de relance de la coopération militaire entre le Niger et le Mali marque un tournant décisif dans la lutte contre le terrorisme dans la zone des trois (3) frontières, singulièrement en ces temps où les djihadistes reprennent du poil de la bête. Mais la France est-elle de cet avis ? En missionnant son chef d’état-major des armées pour ‘’parlementer’’ avec Assimi Goïta, Bazoum Mohamed ne prend-il pas le risque de fâcher l’Élysée ? La France, à travers sa forte présence militaire au Niger, constitue les béquilles sur lesquelles s’appuie Bazoum Mohamed dans sa lutte contre le terrorisme. En essayant de faire ‘’ami-ami’’ avec Assimi Goïta, le chef de l’État du Niger ne prendrait-il pas le risque de perdre le soutien de Paris ? L’avenir nous le dira…