L’arrivée cette semaine à Niamey d’Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine, n’a rien d’anodin. C’est le signe patent que les lignes bougent au Sahel et dans toute l’Afrique de l’ouest. Un tel évènement ne s’est pas produit au Niger depuis nos indépendances certes, encouragées par des pressions de l’Oncle Sam, mais cependant, bloquées, le plus souvent, au stade purement formel. Qui est Antony Blinken ? Quel axe nouveau est-il venu tracer ?
Ce juif de 60 ans, né en 1962 à New York, après avoir été Conseiller-adjoint à la Sécurité Nationale, puis Secrétaire d’Etat-adjoint sous Barack Obama, est aujourd’hui le numéro 2 de l’administration du démocrate Joe Biden, (si l’on fait abstraction de la vice-présidente Kamala Harris). Bien qu’il ait vécu plus longtemps à Paris qu’en Angleterre, il affiche une préciosité et un flegme bien britanniques en toute circonstance. Pourtant, son portrait officiel le présente tout souriant sur un fond de drapeau americain contrairement aux images sévères diffusées par les télévisions du monde entier. A vrai dire, cela nous rassure plus qu’il ne nous inquiète, puisque nous percevons en lui, un homme politique pleinement conscient du poids écrasant de sa mission.
Les relations Nigéro-Américaines ne datent pas d’hier. Elles ont toujours été au beau fixe malgré quelques petits couacs de temps en temps et quelques péripéties tangentes. Pourquoi ce brusque déploiement d’intérêt maintenant ? Tout simplement parce que, de toute évidence, l’ex-tuteur, la France, est en train de lever le pied dans la région, ce qui pourrait générer un appel d’air pour les ‘’prédateurs’’ indésirables comme la Russie et la Chine populaire. Certes, l’Hexagone a pris le soin de planifier le passage du relais à d’autres européens, qui n’ont pas un passé de colonisateurs très marqué comme l’Italie, mais, apparemment, cela n’a pas l’air de convaincre l’Oncle Sam qui se méfie de l’esprit retors des nouveaux venus (Russes et Chinois). Depuis la seconde guerre mondiale, « Mister Freedom » a perdu l’habitude d’être une force supplétive et de devoir quémander un feu vert pour agir là où bon lui semble. Il lui faut des coudées franches quand les hostilités ne peuvent être différées trop longtemps. Peu lui chaut, de froisser quelques susceptibilités d’anciens dominants au passage. Du reste, il est sûr et certain que, lorsque les problèmes liés à l’émigration clandestine occuperont le devant de l’actualité internationale, la carte européenne qui met au premier rang des personnages comme Giorgia Meloni, première ministre italienne, très à cheval sur le principe du renvoi sans ménagement ni fioritures des émigrants illégaux chez eux, cette carte, disions-nous, serait irrémédiablement calcinée. Antony Blinken n’a pas le temps d’être perturbé par ces genres d’impondérables. Son message est le suivant : « Here I am ! » (Me voilà !) et non pas : « Here we are ! » (Nous voilà !). Cavalier seul ? Peut-être parce que le temps presse. C’est alors que resurgit dans nos mémoires assoupies, les départs précipités (Dien Bien Phù en 1954) de la France du Viet-nam et la relève opérée par les Américains. On connait la suite…
ABB