Au Niger, ces années-ci les successions à la tête des chefferies traditionnelles donnent, très souvent, lieu à des versions sahéliennes (moins violentes, tout de même) de Game of Thrones. Des familles s’étripent pour le contrôle du trône. L’arrêt du Conseil d’État en date du 24 mai 2017 a mis fin aux prétentions de la lignée de Sarkin-Aréwa au fauteuil de chef de canton de Tibiri. Depuis, la tension reste vive entre les Arawa et les Goubawa. Le 22 février 2020, des heurts ont éclaté dans la ville de Koygolo (Boboye, région de Dosso) dans la foulée de l’élection de Yacouba Saadou comme chef de canton de cette localité. Le 19 janvier 2019, l’intronisation de Harouna Bembello en qualité de 17ème chef de canton de Garoual (Téra, région de Tillabéri) s’est faite sur fond de vives constatations de la part d’une frange des ayants-droit au fauteuil. On peut, à volonté, continuer l’énumération des cas où la succession à la tête d’une chefferie traditionnelle s’est transformée en pugilat pour finir en procès. « En 2019, seize (16) référés sur 34 introduits au Conseil d’État (soit 47,05%) sont relatifs à la chefferie traditionnelle.
Cette tendance se poursuit en 2020 avec 30 référés sur 45 soit 66,67% […] Les 6 chefferies qui ont été les plus disputées ont donné lieu à 59 requêtes de toutes natures, soit une moyenne arrondie de 10 saisines du Conseil d’État par chefferie », a fait observer Nouhou Hamani Mounkaïla, premier président du Conseil d’État, lors d’un atelier relatif justement à la chefferie traditionnelle dans notre pays. C’est au tour de la chefferie de Birni N’Gaouré (Dosso) d’entrer dans une zone de turbulences. Le 10 septembre 2022, Ousseyni Soumana Ousseyni succède à Lamido Abdou Beidi, décédé le 07 février 2022. Le 17ème chef de canton de Birni N’Gaouré est désormais connu. Sauf que cette élection n’est pas du goût de certains ayants-droits, lesquels dénoncent avec véhémence une ‘’fraude à la filiation’’. Chacune des deux parties en conflit donne sa version de l’historique du trône du canton de Birni N’Gaouré. Entre ayants-droit, courtisans ou simples observateurs, chacun y va de son cours magistral de généalogie. Les réseaux sociaux sont en surchauffe. Salou Abdou Beidi (un des ayants-droits) s’est offert une sortie médiatique pour déverser son fiel sur Ousseyni Soumana, le nouveau chef de canton de Birni N’Gaouré. Quand l’élection d’un chef traditionnel vire au déballage du linge sale sur la place publique, il y a lieu de s’interroger sur l’avenir (et surtout la crédibilité) de cette institution séculaire garante de la cohésion sociale dans notre pays. Les cantons de Birni N’Gaouré, Koygolo, Tibiri, Goroual, et tant d’autres au Niger, ne méritent pas ces spectacles affligeants souvent suscités et entretenus par le politique.