Le 12 juin 2020, l’Assemblée nationale adoptait un projet de loi relatif à la construction et à l’exploitation sur le territoire de la République du Niger d’un système de transport des hydrocarbures par canalisation vers le Bénin. La construction de ce pipeline est financée par la Chine et le Niger pour un montant de deux (2) milliards de dollars US, soit environ 1 300 milliards de francs CFA. Le Niger participe à hauteur de 15% des investissements. Une fois achevé (la fin des travaux est prévue normalement pour juillet 2023), ce projet devrait quintupler la production pétrolière actuelle (de 20.000 à 110.000 barils/jour dont 90.000 pour l’exportation) et faire du secteur le principal levier de l’économie nigérienne en termes de croissance, d’emplois et de recettes fiscales. Le Gouvernement annonce que 3 000 milliards de francs CFA sont attendus sur 10 ans. Mais cet optimisme n’est-il pas exagéré ?
L’apport du pétrole au budget de l’Etat 2022
Selon des données officielles, les recettes pétrolières au 30 septembre 2022 sont estimées, au titre de l’amont pétrolier, à 46,56 milliards de francs CFA. Au titre de l’aval, elles s’élèvent à 28,50 milliards de francs CFA. Soit un total de 75,06 milliards de francs. Ces chiffres reflètent-ils l’état de la production pétrolière actuelle ? En 10 ans, la production pétrolière a-t-elle généré les profits socio-économiques escomptés ? La corruption et le pillage des ressources sans une contrepartie suffisante ne sont-elles pas les critiques principales qui visent l’industrie pétrolière dans les pays africains ? Ces interrogations, et bien d’autres, posent la question du contrôle de la production pétrolière.
Du contrôle de la production
Dans le cadre du projet de construction du pipeline, une convention a été signée le 15 septembre 2019 entre le Niger et l’opérateur chinois CNPC. Aux termes de cette convention, il est créé une société dénommée West African Pipeline Oil Company (WAPCO-Niger) ayant pour missions la construction, l’exploitation, l’entretien et la gestion de cet oléoduc. Mais le mesurage du brut extrait d’Agadem et raffiné à la Soraz étant l’affaire des seuls Chinois, qu’en sera-t-il du brut qui sera injecté dans le pipeline et destiné à l’exportation ? L’Etat du Niger aurait-il un droit de regard à ce niveau ? D’après le Ministre du Pétrole, Mahamane Sani Mahamadou, « en ce qui concerne le système de contrôle de la production, il est important de noter que le partenaire chinois n’utilise pas que du matériel chinois. En effet, ils font appel à d’autres pays comme l’Allemagne pour l’installation de certaines technologies de pointe. Il n’y a pas d’inquiétude, les moyens de contrôle appropriés seront mis en place ». Est-ce à dire que des techniciens du Ministère du Pétrole vont être formés à l’utilisation de ces technologies de pointe ? Selon toujours le Ministre, « la question du suivi et du contrôle est une problématique qui concerne aussi la réalisation des investissements avant d’arriver à la production ». Il faut dire que le Niger n’a pas les compétences juridiques et l’expertise technique pour faire face aux Chinois. Ces derniers déclarent ce qu’ils veulent bien déclarer en termes de production pétrolière et de fiscalité. Le Niger ne profitera de son pétrole que lorsqu’il parviendrait à faire changer les règles du jeu en imposant à la major chinoise un partenariat équlibré, ce après onze (11) ans d’exploitation pétrolière opaque. Et peut-être que le coût de la raffinerie de Zinder est aujourd’hui amorti.