Personne ne peut accuser le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) d’avoir commis unebourde, à travers sa récente décision de révoquer les accords de coopération militaire scellés en cachette en 2012 entre notre pays et les Etats-Unis d’Amérique. Tout le monde est plutôt unanime à saluer l’acte courageux de nos soldats, qui a permis de montrer à la face du monde la duplicité dont sont capables les Américains lorsqu’ils ont des intérêts à préserver dans un pays tiers.
Non seulement lesdits accords de défense sont illégaux car ayant été conclus sous le nez et à la barbe de l’Assemblée nationale, mais plus grave encore, ils ne présentent aucun avantage tangible pour notre pays, d’où le tollé d’indignation suscité au sein de l’opinion par la divulgation des clauses.
Ainsi, sur la base de faux, des troupes américaines ont manœuvré 12 ans durant dans notre pays au niveau de trois bases militaires à Ouallam, Niamey [Escadrille militaire] et Agadez où est implantée la plus grande base [de drones] érigée sur une superficie de 25 km². L’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou, et son ministre des Affaires étrangères de l’époque, Bazoum Mohamed, qui ont conclu secrètement le partenariat depuis 2012 avec l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Niger,n’ont pas jugé utile de le régulariser par la suite, convaincus qu’il ne sera jamais remis en cause un jour, pensant pouvoir conserver le pouvoir le plus longtemps possible. Mais l’homme propose, Dieu dispose, dit l’adage.
Le narratif lancinant servi à l’opinion nationale par l’ancien président Issoufou et ses fidèles lieutenants, selon lequel ces forces étrangères sont là pour nous aider à combattre le terrorisme, a été battu en brèche par les révélations choquantes du porte-parole du CNSP sur la véritable nature du partenariat.
A Agadez qui concentre l’essentiel des troupes au niveau notamment de la base de drones, les populations ont accueilli la dénonciation des accords avec un grand ouf de soulagement, selon une source proche de la mairie d’Agadez. ‘’Dès le lendemain de la révocation du partenariat de défense, le Comité régional de soutien au CNSP d’Agadez a animé un point de presse pour se réjouir de la décision, invitant les populations à participer à un sit-in auquel il renoncera par la suite, sur conseils des autorités régionales qui ont jugé l’initiative prématurée’’, a déclaré la source.
Base mystérieuse
Pour les habitants de la cité de l’Aïr, la présence cette base militaire américaine a été vécue comme un véritable supplice. ‘’Les populations sont pressées de les voir partir à cause des restrictions de circulation mais aussi des nuisances sonores permanentes liées aux décollages et atterrissages des aéronefs dont elles sont victimes. Personne, y compris les officiels nigériens, n’osaient s’aventurer dans le rayon sécuritaire de la base, qu’elles apercevaient seulement à distance’’, raconte-t-elle.
Ce qui rajoute au mystère de la base, c’est qu’aucune autorité régionale n’a été touchée pour l’affectation du domaine sur lequel elle a été érigée. ‘’Hier seulement, on en parlait avec le maire, qui a dit qu’ils n’ont reçu aucune demande du ministère de la Défense pour dégager un périmètre qui pourrait être affecté à l’armée américaine’’, déplore la source, dénonçant l’illégalité de l’installation de la base.
Qu’en est-il alors des opportunités d’emplois présumés offertes aux jeunes par l’implantation de cette base ? La réponse de notre interlocuteur : ‘’Au début, il y avait certes la location de véhicules, mais après ils ont tout arrêté, c’est une société privée qui a pris le relais et qui continue de le faire actuellement’’.
Outre ce volet location de voitures, il a fait aussi cas d’une soixantaine de jeunes d’Agadez recrutés comme traducteurs ou laveurs de vaisselles sur de bases précaires ne respectant pas la législation nigérienne.
‘’En dehors d’eux, personne ne profite de quoi que ce soit de la présence de la base. Et même euxpeuvent être chassés à n’importe quel moment ; d’ailleurs ils ont remercié certains juste parce qu’ils ont osé exiger un minimum de respect, de dignité dans leur travail’’, dénonce-t-il, souhaitant le départ des soldats américains dans un bref délai. Le feront-ils ?
En tout cas, l’ambassadrice des Etats Unis au Niger, Mme Kathleen Fitzgibbon, a rassuré ‘’que son pays a pris acte de la décision du CNSP de dénoncer les accords militaires les liant au Niger’’, à l’issue de l’entretien qu’elle a eu avec le ministre de l’Intérieur, Mohamed Toumba, mardi 27 mars dernier. Mais qu’il reviendra avec ‘’un projet qui sera discuté avec la partie nigérienne en vue de statuer ensemble sur les modalités du désengagement des troupes américaines sur le territoire nigérien’’.
Malgré cette assurance, les populations d’Agadez préparent la mobilisation pour exercer la pression sur les soldats en cas de besoin. ‘’Ce samedi 30 mars, une autre déclaration est annoncée par l’Union nationale des volontaires de la paix (UNVP), une organisation regroupant des combattants de ex-mouvements rebelles, et c’est certainement pour soutenir la décision du CNSP et du gouvernement’’, croit savoir la source, doutant de la sincérité des propos de la diplomate américaine.
Surtout qu’il y a, selon lui, une autre base à Dirkou aussi, abritant des éléments de la CIA dont on ne parle pas, depuis le début de cette crise.