Le 14 novembre 2020, un négociant en or de la place de Niamey saisit la Police Judiciaire (P.J.) d’une plainte contre son comptable pour des faits présumés d’abus de confiance et de blanchiment de capitaux. Le mis en cause sera finalement inculpé d’abus de confiance par salarié et de blanchiment de capitaux portant, d’une part, sur la somme de 1,8 milliard de francs, et, d’autre part, sur plusieurs kilogrammes d’or et de faux et usage de faux en écriture de banque. Des faits prévus et punis par le code pénal. Ce mercredi 27 mars, l’accusé a comparu devant la Chambre correctionnelle du Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey.
A la question du président de la Chambre de savoir si l’accusé reconnait les faits qui lui sont reprochés, celui-ci dit ne pas les reconnaître. Il niera avoir reçu des mains de son employeur des sommes totalisant un montant de 2.445.105.620 francs. “Je n’encaisse pas les recettes. C’est mon patron et son fils qui encaissent, je me contente de noter la situation des recettes journalières, faite par eux, dans un registre”, explique-t-il. Le prévenu est accusé d’avoir créé deux sociétés de négoce d’or en son nom et de disposer de trois comptes bancaires sur lesquels des transactions d’un montant total de 5 milliards de francs auraient été enregistrées. Des accusations qu’il va rejeter d’un revers de main, tout comme les accusations selon lesquelles il serait propriétaire de 19 à 25 maisons à Niamey, malgré des polices d’abonnement d’eau et d’électricité établies en son nom. “Il appartient à mes accusateurs d’apporter la preuve que les maisons m’appartenaient”, dit l’accusé. D’après ce dernier, le milliard de francs ayant transité sur ses comptes était en réalité de l’argent versé par des clients de son employeur et cela à la demande du frère de celui-ci installé à Cotonou. Appelé à la barre, ce frère va démentir, tout en reconnaissant être en partenariat d’affaires avec le négociant d’or.
Sur les 2,4 milliards de francs en cause, un témoin dira que 1,6 milliard serait en réalité l’argent investi par son patron dans le négoce d’or en partenariat avec le patron de l’accusé. Après huit transactions d’or qui n’auraient rapporté que 18 millions de francs de bénéfices, le légitime propriétaire récupère sa mise (1,6 milliard) et met fin au partenariat. Il reste donc à éclaircir la question des 800 millions. Pour le conseil de la victime, toutes les infractions sont constituées à l’égard de l’accusé, matériellement et intentionnellement. Il a tenté de démontrer que l’argent détourné a été investi dans l’immobilier. Il a demandé à la Chambre de déclarer l’accusé coupable et de le condamner en conséquence, de recevoir la victime en sa constitution de partie civile et de lui verser la somme détournée à son détriment, soit 2.445.105.620 francs, ainsi que la somme de 200.000.000 de francs à titre de dommages et intérêts. Le conseil a demandé également la confiscation des actes immobiliers sous scellés au profit de la victime. Le ministère public requiert de déclarer l’accusé coupable et de le condamner à 5 ans d’emprisonnement ferme et à 100.000 francs d’amende.
Pour l’avocat du prévenu, la victime n’a pas la qualité d’agir en justice au nom de la société de négoce d’or dont il n’est ni directeur général, ni gérant. Aussi, il demande à la Chambre de déclarer irrecevable sa demande de constitution de partie civile. Mais l’avocat a sa petite idée autour de cet embrouillamini. Et si les ayants-droits d’un des quatre associés de la société, aujourd’hui décédé, avaient réclamé les parts de leur père à un moment où la société battait des ailes du fait d’une mauvaise gestion ? Ce détournement de fonds ne serait-il pas un stratagème pour nier l’évidence et éviter de devoir rendre des comptes ? A une question de l’avocat au sujet justement de ces ayants-droits, le négociant en or répond : “Est-ce que ça te regarde, de quoi tu te mêles ?’’ Pour la robe noire, il n’y a aucune preuve de culpabilité de son client. Aussi, il demande de le renvoyer des fins de poursuite. Au cas où la Chambre passerait, il a été demandé une condamnation équivalente au temps passé en prison.
La Chambre correctionnelle ayant bien noté les arguments de droit de toutes les parties, celle-ci a mis son jugement en délibéré. Le verdict est attendu pour le 17 avril prochain.Affaire à suivre…