Dans moins de deux semaines sera célébrée la fête du 1er mai ou fête internationale du travail, instituée au début du 19e siècle, suite aux tragiques événements de Chicago [Etats Unis d’Amérique], où des ouvriers qui ont décidé de manifester dans les rues pour l’amélioration de leurs conditions de travail ont subi une terrible répression policière ayant occasionné de nombreux morts. Cette année, les travailleurs nigériens s’apprêtent à célébrer la fête dans un contexte politique et social très difficile, sous un régime militaire en lutte pour l’affirmation de la souveraineté véritable de notre pays vis-à-vis des puissances impérialistes et dans l’austérité liée à l’embargo économique et financier de la communauté régionale et internationale.
Un contexte difficile, qui a conduit les organisations syndicales, à taire les préoccupations de leurs militants pour s’impliquer activement dans la lutte de libération nationale menée depuis le 26 juillet 2026 par toutes les forces vives de la nation, date du renversement du président Bazoum Mohamed du pouvoir par l’armée.
C’est dire qu’on tendait normalement vers une fête dans l’harmonie et la symbiose, sans grains de sable, dans le repas que le gouvernement et les centrales syndicales auront à déguster ce jour-là. Hélas, une poignée de sable est versée dans la soupe, à travers cette récente configuration des centrales syndicales représentatives par le ministère de la Fonction publique et du travail ne reposant sur aucun critère, qui a circulé sur les réseaux sociaux. Dans ce classement sur l’échiquier syndical nigérien, établi en l’absence d’une quelconque organisation des élections professionnelles, la CDTN, première centrale syndicale, est rétrogradée 3e derrière la CNT qui conserve son même rang de 2e. L’USTN qui était 3e à l’issue des élections professionnelles de 2019, vient en tête de classement [1er de la classe] tandis que la CGSL-Niger et l’USPT ont permuté leurs rangs, classées respectivement 5e et 4e. Le classement des 12 autres centrales syndicales s’est fait sur la base de la même alchimie.
Les élections professionnelles qui devraient être organisées en 2022 par le gouvernement pour le renouvellement de la représentation des centrales syndicales ont été renvoyées aux calendes grecques. La pilule était amère mais les gosiers l’ont supportée. A partir du moment où il n’y a pas eu d’élections pour déterminer le poids des centrales syndicales représentatives, pour la CNT, il n’y a alors aucune raison d’établir une nouvelle configuration. Et c’est cette préoccupation qui constitue la poignée de sable dans la tasse de soupe de la CNT.
Démarche cavalière
Il n’y a pas eu d’élections pour procéder au renouvellement du mandat des centrales syndicales représentatives. Et c’est un mandat avec des principes stricts dont aucun n’a été respecté. ‘’Le code de travail règle la question en partie parce qu’il dit que pour la question de représentativité, il faut nécessairement aller vers les élections. Avant les élections de 2019, il y a eu un accord préélectoral, qui a été signé par l’ensemble des centrales syndicales par rapport au vote.’’
Le nœud du problème, c’est l’article 8 de l’accord qui comporte une contradiction, qui a échappé à ceux qui l’ont rédigé, selon Halidou Mounkaïla, secrétaire général de la Confédération national du travail (CNT), contestataire du nouveau classement des organisations syndicales. ‘’Lequel article stipule que le mandat de la représentativité prend fin à partir de la proclamation des résultats des élections professionnelles. Mais à partir du moment où il n’y a pas eu de nouvelles élections, on ne peut pas parler de fin de mandat, parce que le même article, dans son aliéna 2 dit qu’à la fin du mandat, il n’est pas possible de le proroger’’, constate Mounkaïla, dénonçant une confusion dans l’élaboration de l’article. Le nouveau classement ne passe pas. Et la CNT dit avoir saisi le ministère pour revoir sa copie et s’en tenir au classement établi à partir des élections de 2019. Devant le silence du ministère, elle a menacé de saisir le bureau international du travail d’une plainte pour violation des textes régissant les élections professionnelles.
‘’Nous avons réagi et nous sommes catégorique là-dessus. Comme la ministre ne veut pas revenir sur ce classement, nous avons décidé de saisir le Bureau international du travail. Notre conseiller juridique est en train de préparer la plainte que nous allons envoyer. Nous avons dit à la ministre qu’en principe, puisqu’il n’y a pas eu d’élections, il faut maintenir le statuquo jusqu’à ce que le gouvernement organise de nouvelles élections’’, a indiqué Halidou, estimant qu’il y a des cas de jurisprudences au Bénin et au Sénégal dont le Niger pourrait s’inspirer. Cette préoccupation risque de rompre le charme entre le gouvernement et les centrales syndicales, car elle fait partie des points de contestation de la CNT, à l’occasion de ce 1er mai 2024.