Dans un contexte géopolitique complexe, le Niger a récemment pris la décision de rompre sa coopération militaire avec les États-Unis. Cette décision, annoncée par le colonel Amadou Abdramane, porte-parole du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), marque un tournant majeur dans les relations entre les deux pays. Le gouvernement nigérien a justifié cette rupture en arguant qu’elle répondait aux « aspirations et intérêts de son peuple » et déclarait la présence militaire américaine « illégale », violant ainsi « toutes les règles constitutionnelles et démocratiques ».
Le contexte de la décision : une visite diplomatique infructueuse et des signes précurseurs
La genèse de cette rupture semble avoir été influencée par une série d’événements diplomatiques récents. Lors d’une visite cruciale au Niger, la délégation américaine, dirigée par la secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines Molly Phee, a exprimé son désir de renforcer la coopération militaire, en mettant l’accent sur la base américaine située à Agadez. Cependant, cette visite a pris une tournure inattendue, notamment en raison du refus du général Abdourahamane Tiani, le président du CNSP et chef de l’Etat de rencontrer Molly Phee. Malgré des réunions de haut niveau, y compris avec le Premier ministre Lamine Zeine, l’objectif de relancer la coopération militaire, notamment autour de la base américaine d’Agadez, est resté inabouti.
Des préoccupations américaines non résolues
Une source proche du CNSP révèle que les discussions entre les États-Unis et le Niger n’ont pas seulement porté sur les aspects militaires, mais ont également abordé des sujets sensibles tels que le retour à l’ordre constitutionnel, et surtout, l’orientation de la politique étrangère nigérienne. Washington s’est montré particulièrement préoccupé par le rapprochement du Niger avec la Russie et l’éventuelle présence d’éléments du groupe Wagner ((ou de sa nouvelle version, l’« AfrikanskiKorpous ») , ou de renseignements militaires russes, sur le sol nigérien.
La “Ligne Rouge” : la coopération avec l’Iran
Le tournant décisif dans la détérioration des relations semble être lié aux voyages du Premier ministre Lamine Zeine à Moscou et à Téhéran. Ces visites ont déclenché une réaction vigoureuse de la part des États-Unis, particulièrement après des rencontres entre l’ambassadeur iranien à Niamey, Mehdi Kardost et des officiels nigériens. La suspicion américaine d’accords entre le Niger et l’Iran, notamment dans le domaine de l’exploitation de l’uranium, a été perçue comme une « ligne rouge » franchie par Niamey. Pour les États-Unis, toute coopération avec l’Iran est considérée comme un soutien au terrorisme. Malgré les démentis du CNSP concernant tout accord secret avec l’Iran, le climat de défiance a profondément affecté les relations entre les deux pays.
En définitive, cette rupture de la coopération militaire entre le Niger et les États-Unis semble être le résultat d’un alignement d’intérêts stratégiques divergents et d’une méfiance croissante. Alors que le Niger cherche à diversifier ses alliances et à prioriser ses intérêts nationaux, les États-Unis restent vigilants face à l’influence de la Russie et de l’Iran dans une région stratégiquement importante. Cette situation illustre la complexité des relations internationales dans un monde de plus en plus polarisé.