Marchés de gré à gré, versements de commissions et de rétro-commissions, surfacturations, dessous de table… les appels d’offres donnaient lieu souvent à des tours de passe-passe entre entreprises et décideurs, à des violations des normes de transparence et d’équité. Sous la Renaissance, le Code des marchés publics était loin d’assurer l’efficacité de la dépense publique. Pour cause, les finances publiques étaientaccaparées par un système mafieux dont le trait le plus hideux est le détournement de deniers publics à travers notamment des surfacturations monstrueuses et des marchés de complaisance, voire fictifs. Allons- nous assister aux mêmes travers sous le régime militaire du CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) ?
Ce qui est sûr, le 23 février dernier, le président du CNSP, chef de l’État, le général Abdourahamane Tiani, a signé une ordonnance n° 2024 – 05 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique. Ladite ordonnance dispose en son article premier: “Les dépenses ayant pour objet l’acquisition d’équipement ou de matériel, ou de toute autre fourniture, la réalisation de travaux ou de services destinés aux forces de défense et de sécurité et à la prise en charge des citoyens victimes de déplacement forcé lié à l’insécurité sont exclues du champ d’application de la législation relative aux marchés publics et à la comptabilité publique et sont exonérées des impôts, taxes et redevances pendant la période de transition.” Dans le même article, on peut y lire : “Les dispositions du 1er alinéa s’appliquent également aux acquisitions, travaux et toute autre prestation au profit du Palais et des résidences officielles.” Quant à l’article 2, il dit : “Les modalités d’application de la présente ordonnance sont déterminées en tant que de besoin par décret du président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie.”
Toutes les commandes publiques ayant trait aux FDS et aux résidences officielles sont désormais exclues du champ d’application des marchés publics. Et les prestataires choisis dispensés de payer un kopeck d’impôt. Pour un spécialiste des finances publiques, “si nous continuons à légiférer de cette manière, c’est-à-dire en violation des règles élémentaires de transparence et de redevabilité en matière de finances publiques, nous irons tout droit toujours vers les passe-droits et les abus des biens publics. Les dérogations en matière de marchés publics sont prévues par décret portant modalités d’appel de la loi portant code des marchés publics. Il suffit juste de modifier ce décret et ajouter les nouveaux cas de dérogation. En toutes circonstances, l’utilisation des fonds publics doit obéir aux principes de la comptabilité publique. On peut créer un compte spécial au Trésor au lieu de passer par des artifices juridiques en abusant de la prise des ordonnances sans égard aux lois et règlements de la République. Malgré que le CNSP s’est engagé à garantir l’État de droit dans le pays.”
Qui dit marchés publics, dit deniers publics. Dès lors, la transparence s’impose à tous les acteurs et à toutes les étapes de la commande publique. La transparence est un impératif fondateur du droit des marchés publics, dit-on. C’est au travers de la mise en œuvre d’une transparence sincère et véritable que l’image des marchés publics peut et pourra être redorée et que le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés se trouvera renforcé.