En janvier 2016, dans une tribune sur la gouvernance politique dans notre pays, le socio-anthropologue franco-nigérien Jean-Pierre Olivier de Sardan écrit : « Tout pouvoir politique au Niger, quel qu’il soit, se heurte à une série de contraintes et de pesanteurs, qui limitent ses marges de manœuvre et ses capacités de changements. Ce sont, en quelque sorte, autant de prisons. » La première prison renferme les grands commerçants, ceux qui financent les partis politiques et attendent un retour sur investissement. Sous Issoufou Mahamadou, le renvoi d’ascenseur aux commerçants a été quasi instantané. Le 02 avril 2012, moins d’une année après l’avènement du PNDS-Tarraya au pouvoir, les ministres Ouhoumoudou Mahamadou (Finances) et Kalla Hankouraou (Équipement) ont été débarqués du gouvernement pour avoir attribué un marché de plusieurs milliards FCFA à un commerçant de leur bord en violation flagrante de la loi. Ces limogeages ont été opérés par Issoufou Mahamadou pour sauver les apparences et surtout pour noyer le poisson. Pour preuve, l’ancien président de la République s’est illustré dans le chouchoutage de sa clientèle politique, les commerçants en premier.
Durant la décennie écoulée, des montagnes de milliards FCA ont été frauduleusement soustraits du Trésor national par le biais notamment de marchés publics truqués. Sous Issoufou Mahamadou, le summum de la fraude dans les marchés de l’État a été atteint avec le scandale au ministère de la Défense nationale. Dans le domaine des BTP, les contrats sans mise en occurrence ont également beaucoup profité aux hommes d’affaires proches de l’ancien président de la République. Depuis l’accession de Bazoum Mohamed au pouvoir, les opérateurs économiques choyés du temps d’Issoufou Mahamadou, tirent la langue. C’est une grosse période de disette pour plusieurs commerçants avantagés durant les deux derniers quinquennats. Chaque régime a ses privilégiés, dit-on. Tout naturellement, Bazoum Mohamed a les siens. Au mois de février dernier, le groupement d’entreprises SOCIETE UNITED AVIATION SERVICES LIMITED (UNASEL) et BABATI a décroché un marché de 38 233 510 352 FCFA (sur financement de la Banque Mondiale) pour les travaux de réhabilitation et d’entretien du corridor transsaharien (Agadez-Tiguidit-limite régions Agadez/Zinder de 171 km). Selon plusieurs sources, l’annulation de ce contrat n’est pas uniquement du fait des réserves émises par la Banque Mondiale. Des hommes d’affaires proches d’Issoufou Mahamadou auraient mené des actions de lobbying pour torpiller le groupement BABATI qui serait dans les grâces de Bazoum Mohamed, dit-on. Il est évident que la Renaissance 3 fait face à la grogne des commerçants de l’ère Issoufou. Les voix des commerçants grognons vont-elles se faire entendre lors du congrès ordinaire du PNDS-Tarraya censé prévu pour décembre prochain ? C’est fort possible.