Dans plusieurs pays d’Afrique francophone, chaque année, les plus hautes autorités (parfois le chef de l’État en tête) se font un plaisir de célébrer les ‘’meilleurs élèves’’. Sauf que l’évaluation et le classement des élèves sur la base de notes chiffrées est sans cesse remise en cause. Plusieurs études (menées par des chercheurs de renom) prouvent que la note chiffrée ne restitue pas forcément la réalité des compétences scolaires des élèves. D’où nous vient cette façon contestable d’évaluer les élèves ? « En France le recours à la note chiffrée est globalement absent des pratiques d’évaluation jusque dans les années 1880-1890 », c’est-à-dire avant que les collèges jésuites ne l’introduisent à la fin du XVIème siècle. Nous devons donc ces fameuses notes (tant vantées par nos dirigeants) à l’église chrétienne. « Les meilleurs à l’école méritent d’être célébrés, reconnus. Nous leur devons ce témoignage et nous les encourageons à persévérer dans l’effort […] C’est une chose absolument indispensable pour que ce que nous projetons comme avenir pour notre éducation soit réalisé », a dit Bazoum Mohamed le 05 septembre à l’occasion du « prix d’excellence édition 2022 » qu’il a coprésidé avec son épouse, présidente de la Fondation NOOR.
Plusieurs spécialistes des questions scolaires n’ont de cesse de battre en brèche la validité scientifique de l’évaluation par les notes chiffrées. Dans son ouvrage intitulé « La Folie de l’évaluation », le sociologue français Pierre Merle écrit : « En matière d’évaluation, on marche sur la tête en France au point d’oublier que notre mission première d’enseignant est de former les élèves ». Et d’ajouter : « Les études de psychologie scolaire montrent bien comment les évaluations négatives font naître un sentiment fort d’incompétence. La personne finit par penser qu’elle est nulle ». Puisque nous copions tout sur l’ancienne puissance coloniale, il est utile de rappeler qu’en France, plusieurs établissements scolaires ont, depuis 2005, supprimé la notation chiffrée notamment dans le primaire. On parle d’une aberration éducative en ce sens que « la plus grande faiblesse de l’évaluation chiffrée consiste en son incapacité d’informer sur l’étendue et la qualité de l’apprentissage d’un élève ». Question : en organisant le « prix d’excellence » chaque année, quel mérite scolaire la Fondation Noor célèbre-t-elle ? La première dame ignore certainement que «la note chiffrée ne traduit qu’imparfaitement la réalité des compétences effectivement maîtrisées ». L’élève prétendument « excellent » cette année pourrait être absent du ‘’tableau d’honneur’’ l’année suivante du fait justement de cette culture de la note chiffrée dépourvue de toute base scientifique. Ailleurs, on parle de l’évaluation des compétences. Une méthode que se doivent de prospecter nos autorités au lieu de célébrer en grande pompe des ‘’mérites’’ individuels contestables.