Le 28 novembre 2017, devant des étudiants à Ouagadougou, au Burkina Faso, Emmanuel Macron a lancé à son auditoire : « la seule chose que vous devez aux militaires français c’est de les applaudir […] des jeunes français risquent leur vie pour protéger votre pays contre les djihadistes. » Un peu moins de 5 ans après ce discours quelque peu comminatoire, la France se retrouve plus que jamais décriée au pays des Hommes Intègres. Le weekend dernier, dans le sillage du coup d’État contre le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, deux institutions françaises ont été prises pour cible par des manifestants : l’ambassade de France à Ouagadougou et l’Institut français de recherche à Bobo-Dioulasso. Ces attaques « sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre », a déclaré Anne-Claire Legendre, la porte-parole du Quai d’Orsay. Imaginer de petites mains derrière le sentiment anti-français au Sahel est une rhétorique éculée. Emmanuel Macron s’échine à déconstruire ce qu’il appelle les ‘’narratifs russe, chinois ou turc’’. « […] Il y a une stratégie à l’œuvre, menée parfois par des dirigeants africains, mais surtout par des puissances étrangères, comme la Russie ou la Turquie, qui jouent sur le ressentiment postcolonial », a-t-il déclaré dans un long entretien qu’il accordé à Jeune Afrique le vendredi 20 novembre 2020. Et d’ajouter : « Il ne faut pas être naïf, beaucoup de ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones sont stipendiés par la Russie ou la Turquie. »
Le blocage à Kaya (Burkina Faso), le 18 novembre 2021, du convoi logistique de l’opération Barkhane assurant la liaison Abidjan-Gao, procède-t-il d’une manipulation de ‘’puissances étrangères’’ hostiles à la France ? La réponse à cette question est à chercher au tréfonds des relations ambiguës, tumultueuses, et léonines que la France entretient avec ses anciennes colonies d’Afrique subsaharienne. Paris refuse d’ouvrir les yeux sur les réalités de ce 21ème siècle. Les réseaux tissés, au cœur de nos États, par Jacques Foccart ne tiennent plus débout. La jeunesse africaine n’en veut plus de ces liens paternalistes d’un autre âge. La France fait une très mauvaise lecture de sa situation en Afrique, au Sahel singulièrement. Qu’en est-il du sentiment antifrançais au Niger ? C’est un « phénomène surtout propre aux réseaux sociaux […] Je ne pense pas que ce soit une préoccupation des citoyens nigériens », a récemment déclaré Bazoum Mohamed. Et d’ajouter que la manifestation du 18 septembre 2022 à Niamey n’a drainé « moins de 500 personnes ». Voilà des propos qui enfoncent Paris dans sa thèse trompeuse selon laquelle le sentiment antifrançais au Sahel est artificiel.