Le constat est unanime : « les associations [de la société civile] apparaissent en constant sursis, cooptées ou muselées par un pouvoir hégémonique, à moins d’être cantonnées dans un rôle de stricte assistance. Les défis d’une véritable démocratisation sociale et politique restent entiers. » Il est ici question de la faiblesse des organisations de la société civile (OSC) en Afrique. Ce diagnostic est valable pour tous les États en voie de développement. L’universitaire libanaise, Fadia Kiwan, s’est profondément interrogée sur les OSC de son pays : « […] dans quelle mesure sont-elles capables de déclencher le changement ? Dans quelle mesure leur participation pourrait-elle être considérée comme un moyen de démocratisation ou, au moins, comme un moyen de changement politique ? A-t-il été possible pour les organisations de la société civile de franchir les frontières du communautarisme, de développer une masse critique pour le changement ? » Ces questions, dans leur ensemble, sont transposables au cas nigérien.
Cela fait deux décennies qu’un calme quasi plat règne sur le front des OSC dans notre pays. Le mois de mars 2018 a été singulièrement difficile pour les acteurs de la société civile nigérienne. Des dizaines d’entre eux ont gardé prison des mois durant pour avoir projeté de contester la Loi de finances 2018. Le régime d’Issoufou Mahamadou s’est montré d’une dureté extrême envers certains acteurs de la société civile. « Un mauvais procès fait à la démocratie de notre pays », s’est indigné Marou Amadou, alors ministre de la Justice. Issoufou Mahamadou est allé plus loin dans son appréciation de la situation : « il existe deux types de société civile au Niger : les démocrates et les putschistes. Quand on regarde l’itinéraire de ces gens [Moussa Tchangari, Nouhou Arzika, Lirwana Abdourahamane et tant d’autres], ils ont toujours combattu les régimes démocratiques. », telle est la vision manichéenne que l’ancien chef de l’État porte sur les OSC de notre pays. De l’autre côté, les tenants du pouvoir savent manier la carotte pour coopter quelques acteurs de la société civile. Entre poste ministériel, nominations tous azimuts et graissage de patte, le régime du PNDS-Tarraya a réussi à corrompre pas mal d’acteurs de la société civile. Ceux qui résistent aux bakchichs sont traqués, muselés. On en vient à la question antérieure : […] dans quelle mesure les OSC sont-elles capables de déclencher le changement au Niger ? Divisées, gangrenées par la corruption, ces organisations sont à l’image de notre classe politiques, elles ne peuvent plus mener la moindre lutte dans le sens des intérêts du plus grand nombre des citoyens. Comme beaucoup d’autres structures (professionnelles ou syndicales), les OSC nigériennes font face à une perte de crédibilité. Des remises en question s’imposent.