Avec les victoires sur le départ des troupes françaises et bientôt celui des soldats américains, et la levée des sanctions de la CEDEAO, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) pouvait se frotter les mains. Mais un sérieux bémol doit nuancer ce bilan optimiste. La junte militaire peine à tenir plusieurs de ses engagements, notamment sur le plan sécuritaire. La situation sécuritaire semble se dégrader depuis quelque temps, particulièrement dans la région de Tillabéri, et ce, malgré que l’armée ait intensifié des opérations de ratissage jusqu’au Mali.
L’insécurité était pourtant un des arguments du CNSP, avec la mauvaise gouvernance économique et sociale, pour justifier le renversement du régime de Mohamed Bazoum. Pour le seul mois d’avril 2024, on dénombre plusieurs attaques terroristes avec leurs lots de morts et de déplacés, notamment le 15 avril où au moins cinq (05) soldats ont été tués et d’autres blessés dans la zone de Samira (région de Tillabéri) à la suite de l’explosion d’une mine artisanale (EEI) qui a heurté leur véhicule. Au même moment, treize (13) civils ont été massacrés à Diblo, un village situé près de Kokorou, dans le département de Téra. Le 14 avril, plusieurs hameaux et villages situés à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de la commune de Kokorou ont été attaqués, des boutiques ou greniers pillés et du bétail dérobé. Ce samedi 20 avril, six (06) soldats ont été tués à Touloun Damissa (Filingué).
Les autorités actuelles entrevoient-elles une véritable solution de sortie de crise ? La prise en charge actuelle de la question sécuritaire permet-elle de garantir la sécurité de notre pays ? La plupart des attaques sont attribuées à l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), une organisation terroriste d’idéologie salafiste djihadiste née le 15 mai 2015 d’une scission d’Al-Mourabitoune provoquée par l’allégeance d’un de ses commandants, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, à l’État islamique deux jours auparavant. L’EIGS est principalement actif au sud-ouest du Niger, dans la région de Tillabéri, au sud-est du Mali, dans la région de Ménaka et au nord du Burkina Faso, dans les régions de Soum et d’Oudalan. Ce qui constitue la « zone des trois frontières ». Crisis group affirme dans un rapport, le 29 avril 2021, que l’EIGS serait en train de s’implanter de plus en plus entre Maradi et Dogondoutchi. À partir de cette base, l’EIGS envisagerait de s’implanter au Nigeria dans les États de Sokoto, Zamfara et Katsina. Pourquoi ne pas négocier avec les groupes terroristes ? L’ancien président Mohamed Bazoum l’a fait, parallèlement aux opérations militaires. Et il a obtenu une trêve avec l’EIGS, qui a duré un an. “C’est grâce à ces discussions que nous avons une relative accalmie dans la zone d’Abala, dans la région de TillabérI et dans certains endroits proches de la frontière avec le Burkina Faso”, avait-il déclaré en novembre 2022. En échange de cette trêve, l’EIGS avait obtenu la libération de quelques détenus, dont un de ses commandants, Illiassou Djibo alias Petit Chafori, échangé contre un otage occidental.
Avant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, la Mauritanie a longtemps privilégié le dialogue avec les djihadistes. Avec des résultats plus probants dans la lutte contre le terrorisme que dans les pays de l’AES où la France s’opposait à l’option de la négociation. L’opinion nationale nigérienne, déçue par la faiblesse des résultats de la stratégie militaire, voudrait bien voir le CNSP prospecter l’idée des discussions directes avec les groupes terroristes. Plus que jamais, il faut explorer le dialogue avec les extrémistes pour éviter un développement de la métastase terroriste. La réponse militaire à la menace terroriste ne suffit pas. Même les militaires le savent. Il faut du développement, une présence de l’État qui fonctionne, qui rend la justice, qui a un contrat social avec les citoyens.