La Somaïr a récemment repris sa production, après plusieurs mois d’arrêt de l’usine liée à une rupture des produits chimiques entrant dans le cadre du traitement du minerai. ‘’Ça fait juste un peu plus d’un mois que les activités de production ont repris, grâce notamment à l’acheminement des intrants (souffre, soude, bicarbonate, etc.) à partir du port de Lomé’’, déclare Almoustapha Alhacen, ancien travailleur d’Orano, coordinateur de la société civile d’Arlit.
De tout temps, c’est par le port de Cotonou que les sociétés minières d’Arlit acheminaient et importaient leurs produits. La fermeture des frontières par la CEDEAO dans la batterie des sanctions imposées à notre pays, suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023 ayant renversé le président Bazoum est à l’origine de la rupture des intrants, qui était du reste inévitable, à cause d’une nouvelle politique mise en place par la Somaïr, consistant à ne plus faire de stocks importants.
‘’Par le passé, on faisait des stocks d’au moins une année d’exploitation. Mais depuis la ‘’nigérienisation’’ de la sous-traitance, la société a mis fin à cette pratique, se contentant de faire des stocks pouvant couvrir à peine les besoins d’un mois. Du coup, quand le Bénin a fermé sa frontière avec le Niger, la Somaïr s’est retrouvée sans intrants et a dû arrêter l’usine, espérant un rétablissement de la situation’’, explique Alhacen.
L’attente devenant interminable, elle a finalement décidé de recourir au port de Lomé pour ses importations et exportations de produits. La reprise du cours de l’uranium sur le marché international depuis un certain temps constitue une belle opportunité à saisir par les autorités de la transition pour chercher à améliorer les recettes de l’Etat issues de l’exploitation de cette ressource.
C’est, du reste, le souhait légitime du coordonnateur de la société civile, soulignant la visite effectuée par le ministre des Mines à la Maison de l’uranium, dès sa prise de fonction, pour signifier aux responsables des compagnies ‘’qu’ils veulent tout savoir sur l’exploitation du minerai parce que le Niger doit en profiter’’.
Cette exigence implique nécessairement la diligence d’un audit de toutes les sociétés minières qui ne saurait traîner. Pour l’heure, seule la Somaïr continue de tourner avec une production globale de 2.500 tonnes/an, la mine de la Cominakétant arrivée en fin de vie depuis le 31 mars 2021, tandis que la société des mines de Dasa (Somida) exploitée par la canadienne Global Atomic, est toujours en phase de ‘’découverture’’.
Le méga-gisement d’Imouraren, d’une capacité de production annuelle d’environ 5.000 tonnes détenu ‘’exclusivement’’ par Orano, lui, reste en jachère pour une période indéterminée, son exploitation dépendant du bon vouloir de la société nucléaire civile française, qui a mis un verrou dans les clauses lors des négociations relatives au renouvellement du contrat en mai 2023.
Pour voir clair dans l’exploitation de la ressource et créer les conditions de sa rentabilité pour le pays, il faut remettre les contrats de toutes les sociétés sur la table. Les autorités de la transition le feront-elles ? Nous ne saurons le dire !
En attendant, il est déplorable de constater des manquements de la part d’Orano dans la mise en œuvre de la restauration du site de la Cominak dont l’usine est totalement démantelée et la ferraille mise en vente.
Des millions de tonnes de stériles issus de l’exploitation du minerai par la société sont toujours exposés à l’air, polluant l’environnement et mettant en danger la santé des populations et du bétail. Cela constitue une véritable source d’inquiétude pour la société civile d’Arlit.
‘’Ils ont démantelé l’usine et ont vendu la ferraille. Mais en ce qui concerne les stériles (20 millions de tonnes), c’est toujours à l’air libre, ils n’ont pas commencé encore les travaux d’enfouissement’’, constate, amer, Almoustapha Alhacen, qui s’inquiète d’ailleurs de la méthode qu’ils veulent utiliser pour restaurer l’environnement.
‘’Les travaux qu’ils ont prévus n’inspirent pas confiance. Ils comptent verser un mètre d’argile et un mètre de gravillon pour enfouir les stériles. Il suffit seulement de quelques dizaines de millimètres de pluie pour faire partir les couches de protection’’, craint Alhacen, qui a évoqué aussi l’arnaque de grande ampleur qui guette l’Etat du Niger dans le cadre de l’exploitation de la mine de Dasa par la Somida.
Une arnaque qui transparait déjà à travers la portion congrue réservée à l’Etat dans le capital de la société. Elle est de 20% seulement contre 80% pour la société canadienne, qui se comporte d’ailleurs comme en territoire conquis, ignorant royalement les intérêts des populations locales dans l’étude d’impact environnementale et sanitaire qu’elle a fait diligenter en prélude à l’exploitation du minerai.