Au lendemain des événements du 26 juillet 2023, les nouvelles autorités nigériennes ont rapidement proclamé leur attachement au respect des droits humains. “Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie réaffirme son attachement aux principes de l’État de droit et de la démocratie pluraliste en assurant à tous l’égalité devant la loi et en garantissant, en outre, les droits et libertés de la personne humaine et du citoyen tels que définis par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981”, pouvait-on lire dans l’article 1er de l’Ordonnance n° 2023 – 02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de Transition. Mais ces engagements sont-ils respectés dans les faits ?
Lors du lancement de la 3e Edition de la Semaine du Jeune Avocat, jeudi 23 mai, dont le thème était “Le Respect des droits humains en période d’exception : Rôle de l’Avocat,” le Président de l’Association des Jeunes Avocats du Niger (AJAN) et le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Niger ont tour à tour dénoncé “les atteintes graves’’ à l’exercice de la profession d’Avocat et aux libertés. Outre le refus opposé aux Avocats par la COLDEFF (Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale) d’assister leurs clients cités devant elle, Maitres Ali Boubacar et Oumarou Sanda Kadri ont décrié la persistance des arrestations extrajudiciaires. Ils ont pointé un doigt accusateur en direction de la DGDSE (Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure), les services de renseignement extérieur plus connus sous le nom de “Coordination.” Ému par “les conditions dans lesquelles la DGDSE interpelle et arrête des concitoyens, les soumettant à des traitements inhumains et dégradants”, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Niger a prévenu : “Les auteurs de ces actes croient en une impunité, car intouchables, ignorant qu’au regard de nos lois ces actes sont imprescriptibles. Tôt ou tard, ils finiront par rendre compte, car le soleil brille un jour pour le tortionnaire, mais il brillera toujours pour la victime.” Et Maitre Oumarou Sanda Kadri d’ajouter : “Il est impératif de ne jamais perdre de vue le respect des droits humains, car ces droits ne sont pas des privilèges octroyés par les États selon leur bon vouloir ; ils sont des droits inaliénables et universels, inscrits dans les conventions internationales et les lois nationales.” Interpellant directement le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, qui présidant la cérémonie de lancement de cette Semaine du Jeune Avocat, le Bâtonnier a dit : “Oui, Monsieur le Ministre, l’État d’exception n’est pas un État de non-droit.”
Réagissant aux propos des deux Avocats, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme y a vu des “menaces de poursuites.” En tant que magistrat de formation, le Ministre Alio Daouda sait que les traitements inhumains et dégradants ne sont pas prescriptibles au regard de la loi. Il faut rappeler que presque tous les instruments juridiques internationaux relatifs à la protection des droits humains (Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l’homme) ont été ratifiés par le Niger pendant des régimes d’exception, en 1986 et 1999.