Une session extraordinaire du Conseil national de dialogue politique (CNDP) s’est tenue, vendredi 24 mars 2023, sur convocation de son président, le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, pour examiner et adopter le rapport du Comité ad‘hoc chargé du toilettage du décret portant création du CNDP et de son règlement intérieur. Créé en septembre 2022 à l’issue d’une session ordinaire du CNDP, qui venait juste de renaître de ses cendres après plus 5 ans d’hibernation, le Comité ad ‘hoc composé de 12 membres [4 représentants de la majorité, 4 de l’opposition et 4 des non-affiliés] a travaillé plus de 6 mois pour toiletter les textes du cadre de dialogue de la classe politique.
Il s’agit d’une exigence formulée par l’opposition dès la première réunion de réhabilitation du CNDP, devant notamment le constat que l’instrument a été caporalisé à compter de 2016 par le pouvoir de la Renaissance pour imposer ses positions aux adversaires, rappelle-t-on. La session extraordinaire pour l’examen et l’adoption du rapport du Comité ad ‘hoc, qui s’est déroulée vendredi 24 mars, a vu la participation de toutes les parties, qui ont unanimement salué la qualité du travail abattu par les membres dudit comité.
Le mot du désaccord
Concernant le décret de création du CNDP, la révision a essentiellement visé 12 des 17 articles le composant et a consisté tantôt à de reformulations de mots, de passages ou d’expressions, tantôt à de rajouts ou de suppressions de mots ou groupe de mots. Si grosso-modo, les travaux se sont déroulés dans le calme et la sérénité, dans un climat apaisé, par moments, l’on a eu droit à de chaudes altercations verbales entre des délégués de la majorité et ceux de l’opposition, relativement à la formulation de certains articles. A commencer par l’article premier du décret qui parle de la création du CNDP libellée comme suit : ‘’Il est créé en République du Niger un organe consultatif pour le dialogue politique dénommé Conseil national de Dialogue Politique (CNDP)’’. Le mot ‘’consultatif’’ a constitué le principal point d’achoppement entre le camp de la majorité et celui de l’opposition. Alors que la majorité tenait coûte que coûte au maintien du mot, l’opposition a fortement bataillé et obtenu sa suppression de l’article qui devient : ‘’Il est créé en République du Niger un organe dénommé Conseil national de dialogue politique (CNDP)’’. L’argument brandi par le pouvoir pour chercher vainement à maintenir le mot était de dire que ‘’le CNDP n’est pas un organe constitutionnel ; par conséquent il ne peut qu’être consultatif, car créé par décret’’. Dixit le PM Ouhoumoudou Mahamadou.
Chat échaudé craint l’eau froide, dit le dicton. Si les délégués de l’opposition ont insisté pour l’extirpation du qualificatif ‘’consultatif’’ de l’article fondateur du CNDP, c’est certainement pour éviter des surprises désagréables lorsque l’organe viendrait à entériner des décisions politiques consensuelles et que le gouvernement passe outre lesdites décisions pour faire autre chose, ou motif qu’elles n’ont aucun caractère contraignant. Car même si le CNDP n’est un organe constitutionnel, de par les motivations qui ont présidé à sa création [l’apaisement du climat politique à travers la recherche du consensus sur toute question engageant la vie de nation], les décisions qu’elle prend doivent connaître une suite. C’est justement parce que le régime de la Renaissance l’a dépouillé de cette vocation première que le CNDP est tombé dans la paralysie ces dernières années, l’opposition et les non-affiliés ayant décidé de boycotter ses sessions pour ne pas devoir cautionner le diktat de la majorité.
Des avancées significatives
Ce toilettage des textes du CNDP aura permis de renforcer le mode de fonctionnement de l’organe mais aussi d’élargir son champ de compétence. Avant sa modification, l’article 9 du décret qui porte sur sa convocation dit ‘’que le CNDP se réunit en session ordinaire avant chaque session ordinaire de l’Assemblée nationale et en session extraordinaire chaque fois que de besoin sur convocation de son président’’. Désormais, la convocation des sessions extraordinaires nécessite ‘’une consultation préalable des chefs de groupes’’. Une autre innovation importante relative à la convocation de l’organe, ‘’il est convoqué ‘de droit’ en session extraordinaire à la demande écrite et motivée d’un des trois groupes ou au moins d’un quart (1/4) des partis politiques légalement reconnus’’. Ce qu’il faut retenir à ce niveau, c’est que le président du CNDP ne peut plus refuser de convoquer une session extraordinaire à la demande des parties lorsqu’elles remplissent les conditions requises. Il est obligé de le faire. Ce qui n’était pas le cas auparavant où des demandes de convocation de l’organe formulées par l’opposition ou les partis non affiliés n’ont pas prospéré. Une disposition très importante du règlement intérieur de l’organe qui mérite d’être soulignée, c’est l’article 12 qui stipule ; ‘’Les décisions du CNDP sont prises par consensus’’. Et pour leur donner du poids, l’article 14 dit que ‘’les délibérations et les décisions des réunions du CNDP sont consignées dans un procès-verbal et font l’objet d’une large diffusion et d’une publication au J.O’’. Une autre avancée, le champ de compétences du CNDP s’est élargi, couvrant pratiquement toutes les questions : la Constitution ; la Charte des partis politiques ; le Code électoral ; le processus électoral ; l’accès équitable aux médias publics ; les droits et devoirs de la majorité ; les droits et devoirs de l’opposition ; les droits et devoirs du groupe transitoire des partis politiques dits non affiliés. A ces centres d’intérêt viennent s’ajouter les questions sécuritaires ; le code d’éthique politique ; les libertés individuelles et collectives, la souveraineté nationale ; les questions de bonnes mœurs et toute autre question d’intérêt national. Le comité Ad ‘hoc a fait un bon travail permettant au CNDP de mieux jouer désormais son rôle de régulateur du climat politique. Mais encore faudra-t-il que le régime des Renaissants accepte de jouer franc jeu, en s’abstenant de toute nouvelle tentative de trituration ou d’interprétation tendancieuse des textes.