Paradoxe saisissant ! On trouve présentement les produits de la société Riz du Niger (RINI) en vente chez certains commerçants dans les marchés, mais au niveau des kiosques de vente agréés disséminés dans la capitale, c’est la rupture. Pas le moindre sac de riz de 50 ou 25 kg dans tous les points de vente que nous avions parcourus et dont certains ont même cessé d’ouvrir leurs portes, du fait de la rupture d’approvisionnement persistante.
‘’Le dernier approvisionnement – d’une tonne seulement – dont j’ai bénéficié de la société remonte à 4 semaines. Depuis lors, plus rien ! Les clients appellent constamment pour demander et quand nous leur disons qu’il n’y en a toujours pas, certains n’y croient pas et nous traitent de spéculateurs’’, affirme le gérant du dépôt de vente sous couvert de l’anonymat.
Avant les événements du 26 juillet 2023, qui ont rendu compliquées les importations des denrées alimentaires en lien avec la fermeture des frontières, le riz du Niger n’était pas tellement prisé par les consommateurs.
‘’Les problèmes d’approvisionnement de nos dépôts de vente ont commencé quand le riz importé est devenu une denrée rare et de plus en plus cher. C’est à partir de cet instant que les consommateurs se sont rabattus sur la production locale, rendant du coup la demande très forte’’, explique notre interlocuteur, déplorant toutefois une nouvelle pratique commerciale répréhensible adoptée par les responsables de la société.
Cette pratique consiste notamment à privilégier les gros commerçants au détriment des points de vente créés, ici et là dans les quartiers de la ville, pour vendre exclusivement les variétés des produits de la société.
‘’Ce sont les commerçants qui achètent des tonnages importants qui sont prioritairement servis au motif qu’ils passent leurs commandes avec de l’argent frais. Si vous vous rendez à l’usine de la société, vous allez voir des camions chargés à ras bord de sacs de riz sortir pour des destinations inconnues en ville’’, dénonce-t-il.
C’est ce qui explique, selon lui, qu’on trouve aujourd’hui le riz du Niger dans les boutiques des marchés alors qu’il n’y en a pas au niveau des dépôts de vente agréés de la RINI et ou les prix sont homologués. Alors que le sac de 25kg du riz 33, par exemple, coûte 11.500 Fcfa dans les points de vente, au marché le même sac est cédé par les commerçants à 14 voire 15-16.000 FCFA ; le sac de 50 kg de la même qualité dont le prix de vente est de 22.500 FCFA au niveau des kiosques de la RINI s’achète à 25.000 voire 26.500 FCFA dans les marchés, a-t-on constaté.
Gérants des dépôts et consommateurs négligés
Selon certaines indiscrétions, la société a décidé de privilégier les commandes des commerçants pour avoir de la liquidité lui permettant de sillonner les marchés du pays et acheter les stocks de riz paddy qui sont traités et conditionnés à l’usine, avant d’être mis en vente.
‘’C’est cette pratique qui fait que les kiosques sont constamment en rupture de stocks alors que dans les boutiques des marchés, les consom- mateurs trouvent disponible le riz et nous accusent de le cacher pour faire de la spéculation’’, indique le gérant, déplorant la précarité dans laquelle cette situation les installe.
‘’Nous ne sommes pas des salariés de la RINI, c’est sur les ventes que nous réalisons que nous avons des ristournes. Sur un sac de 25kg du riz 33 vendu à 11.500 Fcfa, je perçois 250 et sur le sac de 50kg, 500 Fcfa. Sur une tonne de riz vendue, mon gain est de 10.000 francs. Et c’est avec ces ristournes que j’entretiens ma famille’’, raconte-t-il.
Et d’ajouter : ‘’Si la société ne met pas à disposition les produits pour vendre, je ne gagne pas d’argent et il n’y a nulle part où je pourrais aller me plaindre. C’est dire que c’est nous qui souffrons beaucoup de ces ruptures d’approvisionnement, alors que la production n’est pas interrompue au niveau de l’usine’’.
Seule bouffée d’oxygène leur permettant de tenir, il y a des clients patients qui leur font confiance et consignent leur argent en attendant l’approvisionnement des dépôts pour être sûr d’avoir le riz qui s’arrache comme de petits pains dès livraison.
‘’Nous sommes parfois obligés de grignoter dans les consignations des clients pour gérer les dépenses familiales et régulariser par la suite’’, avoue-t-il. Les consommateurs aussi souffrent de cette situation parce que contraints d’acheter plus cher le riz du Niger chez les commerçants des marchés.
Certes, la société a besoin de riz paddy en permanence pour faire tourner ses usines et assurer la disponibilité des produits sur le marché. Mais est-ce pour autant qu’il faille négliger l’approvisionnement des dépôts de vente créés dans la ville pour faciliter l’accessibilité physique des produits aux consommateurs à des prix raisonnables ? Les autorités compétentes doivent se pencher sur cette épineuse préoccupation qui permettra de casser la forte spéculation autour de la denrée alimentaire, qui est aujourd’hui vendue rideaux baissés dans les marchés.