Depuis le changement de régime intervenu le 26 juillet dernier, on assiste à une vague de perquisitions et d’interpellations des dignitaires du régime déchu et particulièrement des proches de l’ancien président Mohamed Bazoum. Des actes qui se font en dehors des règles prévues par les lois et règlements. Une situation dénoncée le 8 novembre par l’Association des jeunes avocats du Niger (AJAN). Ces perquisitions et interpellations extrajudiciaires sont de nouveau dénoncées ce mercredi 29 novembre par l’avocat de la famille du président déchu, Maître Ould Salem Saïd, dans un point de presse qu’il a tenu.
« Nous avons constaté une certaine fixation sur la famille du président Mohamed Bazoum. Toutes les règles de procédure en matière de perquisition et d’interpellation sont violées quand il s’agit des membres de cette famille. Ce mardi 28 novembre, une perquisition a été menée au domicile d’une nièce de Bazoum, en l’occurrence la veuve de l’ancien ministre Ben Omar. Une autre perquisition a été également effectuée au domicile de la belle-mère de l’ancien secrétaire général du Ministère de l’Education nationale, le sieur Zeidane Mohamed. Ces femmes, toutes deux des veuves, n’ont joué aucun rôle politique, ou autre, sous l’ancien régime. Et à ce que nous sachons, aucune procédure judiciaire n’avait été engagée contre elles. Le lundi 26 novembre, aux environs de 18 heures, le sieur Ali Bey Mahjoub, un oncle du président Mohamed Bazoum, par ailleurs cadre de la Banque agricole du Niger (BAGRI), est enlevé à son domicile à Niamey par des individus armés non identifiés. Après avoir informé le procureur général près la Cour d’appel et le procureur de la république près le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey de cet acte, nous avions déposé une plainte ce 28 novembre par devant le procureur de la république pour enlèvement, séquestration et détention arbitraire contre X, conformément aux dispositions des articles 265 à 268 du code pénal. Le 9 novembre, à Zinder, le petit frère de la première dame Hadiza Bazoum, un chef de groupement arabe, est interpellé par des éléments de la gendarmerie. Ce mardi 28 novembre, il est à son 20e jour de garde à vue. Or le code de procédure pénale dispose en son article 638 (nouveau), alinéa 1er, (Loi n° 2016-21 du 16 juin 2016 et Alinéa 1 Loi n° 69-5 du 18 février 1969) : « Lorsqu’un magistrat de l’ordre judiciaire, ou un gouverneur, ou un préfet ou un sultan, ou un chef de province, ou un chef de canton, ou un chef de groupement, est susceptible d’être inculpé d’un crime ou délit commis hors ou dans l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l’affaire transmet sans délai le dossier au procureur général près la Cour de cassation qui reçoit compétence pour engager et exercer l’action publique ».
L’avocat de la famille Bazoum croit savoir que ses clients seront déférés par devant le Tribunal militaire. Cette juridiction étant hiérarchiquement soumise à la Cour d’Etat, la robe noire appelle le procureur général près ladite cour à faire cesser toutes les mesures illégales et arbitraires qui frappent les membres de la famille du président Bazoum. « Nul n’est au-dessus de la loi, mais appartenir à la famille du président Bazoum n’est pas une infraction. Les membres de cette famille sont des Nigériens parmi tant d’autres, avec les mêmes droits. Si on estime qu’ils sont en conflit avec la loi, nous demandons que les règles de procédure soient respectées à leur égard. Nous rappelons, ici, que le CNSP s’était engagé au respect des droits et libertés de la personne humaine et du citoyen ». Pour Maître Ould Salem Saïd, les perquisitions et interpellations extrajudiciaires sont inacceptables même dans un régime dit d’exception. Et de rappeler que presque tous les instruments juridiques internationaux relatifs à la protection des droits humains (Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l’homme) ont été ratifiés par le Niger pendant des régimes d’exception, en 1986 et 1999. « Nous avons déposé des plaintes contre les auteurs et commanditaires de ces enlèvements. Et quel que soit le temps que cela prendra, nous ne lâcherons pas prise et la loi sera dite. Le code pénal, en son article 267, punit sévèrement les attentats à la liberté individuelle », a tenu à préciser l’avocat.