Une décision reportée
La cour de justice de la CEDEAO vient de dribler tout son monde en renvoyant son délibéré à une date ultérieure, sans précision aucune. Par cet acte, cette Cour vient, en réalité, de se déclarer incompétente sans le dire ; c’est-à-dire que l’on se situe dans le 1er des scénarii subodorés. En effet, le sommet de la CEDEAO étant prévu le 10 décembre 2023, la Cour a tenu à refiler la patate chaude entre les mains des Chefs d’Etat et de Gouvernements de la CEDEAO qui en feront ce qu’ils veulent.
Est-ce la création de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) et surtout la signature du protocole créant l’union économique et monétaire de cette Alliance qui ont pesé sur la balance ? Ou alors, est-ce la détermination du CNSP à ne pas se faire marcher sur les plates-bandes qui aura été le facteur déclencheur de cette reculade ?
Les chefs d’État de la CEDEAO face au casse-tête Bazoum
En tout état de cause, pour une reculade, on ne peut pas faire mieux. Avec une opinion africaine de plus en plus avertie du fait de l’avènement des réseaux sociaux, si la Cour se hasardait à ordonner la libération de M. Bazoum et/ou son rétablissement dans ses fonctions de président de la République, au nom d’une prétendue convergence constitutionnelle inscrite dans le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, cette opinion qui a largement approuvé le coup d’Etat et soutenu sans réserve le CNSP, conclurait que la Cour a fait une lecture plus qu’oblique dudit protocole. En effet ledit protocole, en sa Section V relative à « la lutte contre la pauvreté et de la promotion du dialogue social » déclinée aux articles 25 à 28, fait obligation aux Etats membres de la CEDEAO :
De lutter contre la pauvreté et de reconnaître que la promotion du dialogue social sont des facteurs importants de paix ;
D’assurer les besoins et services essentiels de leurs populations ;
De Créer un environnement propice à l’investissement privé, et au développement d’un secteur privé dynamique et compétitif ;
De Mettre en place les instruments nécessaires à la promotion de l’Emploi, et au développement prioritaire des secteurs sociaux ;
D’Assurer une répartition équitable des ressources et des revenus visant à renforcer la cohésion et la solidarité nationales.
Il serait difficile de démontrer qu’une de ces obligations a été respectée pas M. Bazoum au cours de ses 27 mois de gouvernance chaotique. Surtout, il importe de ne pas perdre de vue qu’en matière électorale, ledit protocole a énoncé des principes de transparence et d’équité que l’Etat du Niger n’avait pas du tout respecté lors de l’élection présidentielle 2020-2021 qui avait porté M. Bazoum à la magistrature suprême.
Ne s’en tenir qu’au respect du principe de convergence constitutionnelle pour condamner le renversement d’un chef d’Etat qui n’a pu assurer ni les besoins essentiels de sa population, ni la sécurité du pays, encore moins le dialogue social, c’est faire la promotion d’un système démocratique purement électoraliste qui a connu ses limites dans de nombreux pays de la sous-région. Les soubresauts récemment enregistrés en Sierra Leone prouvent, si besoin en était, que les sanctions, aussi sévères soient elles, ne désarment aucun candidat putschiste.
Le sommet de la CEDEAO prévu le 10 décembre prochain se penchera très certainement sur la question.