L’interminable dossier Mukuri, du nom de ce sulfureux homme d’affaires d’origine congolaise qui a grugé l’Etat du Niger de la somme de 3.871.548.500 francs CFA avec des complicités nationales, est sur le point de connaître son épilogue. Après plusieurs rebondissements judiciaires, le dossier a été à nouveau jugé le 24 janvier dernier. Mais le délibéré, attendu le 27 février, a été rabattu. C’est ainsi que des nouveaux débats ont eu lieu ce mercredi 03 avril devant la Chambre correctionnelle du Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Sur les huit (8) protagonistes de cette affaire, cinq (5) ont bénéficié d’un non-lieu.
Alors qu’il était recherché par Interpol, Daniel Mukuridébarque au Niger du président Issoufou Mahamadou, en début du premier mandat de celui-ci. Fort de ses accointances avec le régime des ‘’Renaissants’’, il crée courant année 2013 – 2014, une société dénommée Mach-Agitech, avec le Burkinabè Salif Diallo, un autre personnage sulfureux et conseiller spécial du président Issoufou Mahamadou à l’époque. Très rapidement, Mukuri bénéficie d’un marché ayant pour objet la conception, le financement, la fourniture, la réalisation, la mise en service, l’exploitation et l’entretien/maintenance d’équipements de contrôle de qualité de service et de facturation du trafic téléphonique (voix et données) des opérateurs des réseaux de télécommunication disposant d’une licence d’exploitation au Niger. L’objet de ce contrat PPP était en fait de déceler d’éventuelles fraudes fiscales des opérateurs téléphoniques en vue d’optimiser les recettes fiscales du Niger. Mais Daniel Mukuri avait commis et usé de faux mandats de représentation des sociétés Mach Luxembourg et Syniverse pour se voir attribuer ce marché. Il usera également de manœuvres frauduleuses, courant années 2015, 2016 et 2017, pour se faire payer 3.871.548.500 francs CFA par ordres de virement du Payeur général du Trésor public.
A la barre, sur les trois (3) prévenus cités à comparaître, tous ayant bénéficié d’une liberté provisoire, deux (2) sont présents : un ancien payeur général du Trésor et un opérateur économique. Le principal accusé, c’est-à-dire Daniel Mukuri, a profité de sa mesure de mise en liberté provisoire pour quitter le Niger, alors même qu’il était poursuivi pour faux et usage de faux en écriture privée et escroquerie. L’opérateur économique est poursuivi pour recel présumé. Courant année 2016, il avait détenu dans son compte bancaire les virements effectués au profit de Mukuri, à la demande de celui-ci qui était en prison. Prié de s’expliquer, il dira avoir été mis en contact avec Mukuri par un ami commun, un ancien consul du Niger à Dubaï. Il dira également ignorer l’origine douteuse de l’argent versé dans son compte, surtout que sa banque ne s’y était pas opposée. Curieusement, lorsque l’arnaque a été découverte, rien n’a été fait pour bloquer ce compte. Tout naturellement, lorsque Daniel Mukuri sort de prison, il ne se fait pas prier pour retirer ses sous. Alors que Mukuri avait déjà bénéficié d’un virement d’un (1) milliard de francs sur deux attendus, la justice avait ordonné, le 02 février 2016, le séquestre de tout paiement du milliard restant. Mais le payeur général passera outre cette décision de justice, expliquant avoir reçu des instructions du ministre des Finances de l’époque (Saïdou Sidibé, aujourd’hui décédé). Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal, fera observer le ministère public à l’ancien payeur général. Acculé de questions, ce dernier finit par lâcher : « C’était une erreur de ma part.’’
Dans ses réquisitoires, le ministère public a tenté de démontrer, avec des arguments juridiques imparables, que les faits d’escroquerie et de faux et usage de faux reprochés à Daniel sont bien constitués. Il demande à la Chambre correctionnelle de l’en déclarer coupable et de le condamner à une peine de 5 ans d’emprisonnement et 200.000 francs d’amende. Pour le payeur général, les faits de complicité d’escroquerie sont requalifiés en résistance à une décision de justice. Il est demandé une peine d’1 an de prison assortie de sursis. Quant à l’opérateur économique, le ministère public a demandé la fin de la poursuite à son égard. Son conseil est tout naturellement allé dans le même sens que le parquet en demandant de rendre justice à son client. Quant au conseil du payeur général, il a plaidé la fin de la poursuite.
La Chambre correctionnelle a mis son jugement en délibéré pour le 08 mai prochain. Affaire à suivre…