Excellence, M. le président du CNSP, Chef de l’Etat,
Avant tout propos, permettez-moi de vous exprimer toute notre gratitude pour nous avoir libérés, par votre courage sans pareil, de la chape de plomb qui s’était abattue sur nos têtes treize (13) longues années durant. Vos compatriotes, tous bords confondus, ont suffisamment exprimé, à haute et intelligible voix, leur adhésion totale à l’avènement du CNSP, avec à sa tête votre propre personne élevée au rang de héros national y compris au plan Africain. La spontanéité du soutien populaire, jamais observée au Niger, à l’avènement du CNSP, était proportionnelle au désarroi dans lequel était plongé le peuple Nigérien du fait d’une gouvernance désastreuse du régime dit de la « renaissance ». Bien évidemment, l’éclosion de tout pouvoir, est synonyme d’espérance. Je ne crois pas vous surprendre en vous révélant que, l’un des espoirs des populations, après la libération et le recouvrement de notre souveraineté, réside dans la libération de tous les prisonniers dits politiques dans une communion des cœurs et des esprits engendrée par votre arrivée au pouvoir. Nombreux sont vos compatriotes qui s’attendaient à un geste de votre part, dès les premières semaines de votre ascension au pouvoir. Mais malheureusement, au fil des mois, leurs espoirs se sont évanouis.
M. le président du CNSP,
J’aurais souhaité ne pas avoir à vous adresser la présente lettre sur une question aussi délicate. Mais, en tant que citoyen, je me sens dans l’obligation morale de vous solliciter. La question, j’en conviens, est brûlante, puisque demander à un général qui vient d’accéder au pouvoir de libérer des citoyens accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat est plus que délicat. Ce, d’autant plus que je suis loin de connaitre et le contenu des dossiers, et les tenants et les aboutissants d’un tel élargissement attendu des détenus. Tout ce que je pourrais affirmer, c’est que durant les treize (13) années d’exercice du pouvoir de la « Renaissance », des opposants politiques, des acteurs de la société civile, des officiers supérieurs et des subalternes de l’armée, des journalistes, ont été fait prisonniers souvent sur la base de montages grossiers avec la complaisance surprenante d’une certaine justice. Pour peu que le régime vous soupçonne d’être une menace pour lui, les renaissants montent rapidement un dossier contre vous et vous expédient en prison pour une durée aléatoire. Lorsqu’ils sont interpellés sur la question, la parade facile, , consiste à présenter les victimes comme des prisonniers de droit commun. . Cette situation d’insécurité judiciaire à laquelle sont exposés tous ceux des Nigériens qui refusent de se soumettre, à la pensée unique, au diktat du régime, a persisté durant toute la durée de leur règne.
Il faut se rappeler, qu’à l’avènement de la renaissance acte 3, Samira Daoud, directrice régionale adjointe pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale à Amnesty International, réagissant à l’annonce que des militants détenus pour des accusations forgées de toutes pièces, vont être libérés après avoir été condamnés à une peine de trois mois de prison avec sursis, a déclaré : « ….mais ils n’auraient toutefois jamais dû être arrêtés. Les charges retenues contre eux sont motivées par des considérations politiques….La décision doit être un catalyseur pour que les autorités nigériennes mettent fin aux violations persistantes des droits humains dans le pays, où les voix dissidentes sont réprimées, des manifestations pacifiques sont interdites et des militants sont arrêtés arbitrairement ».
Le peuple nigérien, dans son ensemble, a espéré que ce soient plutôt les délinquants financiers à cols blancs qui ont saigné notre pays qui a occupé le dernier rang de l’Indice de Développement Humain (IDH) du PNUD pendant dix (10) années consécutives, de 2012 à 2022, qui remplacent dans nos prisons, où ils croupissent depuis de nombreuses années pour certains, ces prisonniers politiques. Ceux-ci n’ont eu souvent, pour seul tort, que celui de s’opposer au régime de la « Renaissance », et/ou de vouloir son renversement du fait de son illégitimité.
A propos de votre gouvernance qui débute, nous comprenons que vous vous souciez de ce que Machiavel, a proposé, à savoir que « le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. Le vulgaire est toujours séduit par l’apparence et par l’événement : et le vulgaire ne fait-il pas le monde ? »
Je me dois de rappeler que le général Ibrahim Baré Mainassara, votre prédécesseur, avait été victime à plusieurs reprises de tentatives avérées d’assassinat, et/ou, de coup d’Etat, c’est pourquoi, vos prisonniers, ne doivent pas connaître le sort qui est le leur aujourd’hui.
C’est pourquoi, nous vous implorons, en cette veille du mois béni de Ramadan en tant que musulman croyant, d’accepter de libérer les détenus coupables ou non, en gardant constamment à l’esprit que le Coran, le Livre Saint que nous partageons, propose : « Dis : O Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent ». [Le Coran : Sourate 3, Verset 26] ». Mon général, pour toutes ces raisons, n’ayez nulle crainte des hommes et acceptez de libérer ces citoyens !
Mon général,
je crois que nous devrions tous garder à l’esprit, que le Sage Amadou Hampâthé Bâ nous a prévenus, vous-même, vos plus proches collaborateurs, à savoir, les Généraux Salifou Mody et Mohamed Toumba et tous les autres et moi-même, que « dès notre naissance, nous sommes entrés dans une existence dont nous ne sortirons pas vivant, quoi que nous fassions “.
Pour les prisonniers que vous hésitez à libérer parce que vous estimez qu’ils sont coupables, ils ont échoué là où vous venez de réussir, c’est pourquoi, nous estimons qu’ils méritent votre compréhension et votre indulgence. Pour ceux qui sont innocents, vous pourriez, sans crainte, les libérer parce que la place d’un innocent est dans son domicile auprès des siens, surtout pendant ce mois béni du ramadan, au cours duquel, aucune générosité n’est de trop.
Le peuple nigérien observe, mais de rien, parce que convaincu dans son for intérieur, que les nigériens qui sont derrière les barreaux devraient cesser de l’être au lendemain de votre accession au pouvoir.
D’aucuns pourraient se poser la question de savoir pourquoi cette lettre d’un frère d’un général assassiné par les méchants de la République adressée au Général Tiani. Je serais tenté de leur répondre que le Général Tiani a répondu à l’appel de la patrie en oubliant momentanément la mort qu’il pouvait rencontrer sur son chemin en allant accomplir son devoir divin parce que, tel que je l’ai rappelé tantôt, c’est Dieu qui donne le pouvoir et c’est LUI qui vous appelle au moment qu’IL a choisi. Tout comme le général Baré avait sacrifié sa vie pour protéger et assurer le maintien au pouvoir d’un homme auquel il a cru, le général Tiani est prêt à prendre le risque de libérer des hommes qui pourraient avoir des raisons d’en vouloir à mort à la sienne. Le général Baré, malgré des menaces extrêmes qui ont pesé sur sa sécurité jusqu’aux dernières secondes précédant sa mort, n’a pas laissé un seul prisonnier politique dans les geôles. Lorsque sa sécurité rapprochée l’a informé avec insistance des dangers à effectuer son voyage, le général Baré avait répondu qu’il s’en remettait à Allah SWT et que des officiers égarés ne pouvaient pas lui faire renoncer à son voyage humanitaire. Et pour cause, il avait à la fin des années 80 il avait une chute libre de centaines de mètres sans son parachute qui avait refusé de s’ouvrir et pourtant, par la volonté du Tout Puissant, il est resté en vie en sacrifiant une de ses jambes. De même, lorsque les services de renseignements l’ont informé de ce que son cousin de l’Ader, se faisant passer pour un lion, faisait le tour des casernes pour demander de le liquider, il avait évité des représailles. Ceci, pour éviter d’en faire un martyr, pour lequel, des milliers de Nigériens allaient faire des centaines de kilomètres pour s’incliner sur la tombe. Mes frères Mohamed Bazoum, Massoudou Hassoumi, et mon grand-papa du Kanem, Ali Sékou Ramadan Maina, auraient fait partie, j’en suis certain, des pèlerins.
Mon général,
Votre prédécesseur, le général Baré, a échappé, durant son court mandat à la tête de l’Etat et même avant, à des dizaines de tentatives d’assassinat que j’ai révélés, mais il est parti, le jour, la minute, et la seconde de la fin de son mandat sur terre par le sceau du Décret Divin.
En effet, suivant la Sourate 29 du Verset 57 du Livre Saint de notre confession : « Toute âme goûtera la mort. Ensuite, c’est vers Nous (Dieu) que vous serez ramenés ». Et le Verset xx, Sourate 6, de compléter : “ C’est Dieu qui vous a créés d’argile ; puis Il vous a décrété un terme ”.
Mon général, puisqu’il en est ainsi, libérez le général Salou Souleymane, un homme de bien, dont l’âge avancé ne peut supporter une aussi longue détention, libérez tous les autres détenus dont la liste ne peut tenir sur cet espace réservé à ma présente lettre. Nul ne pourrait rien contre votre personne, contre le général Salifou Mody, contre Mohamed Toumba, contre tous vos autres compagnons de lutte, si ce n’est la volonté divine
Veuillez, agréer, Mon général, l’expression de ma déférence.
Labou sanni no ! Zance kassa ne !