Dans certaines traditions africaines, l’or est associé au diable. C’est un métal très précieux, brillant mais très bruyant aussi lorsqu’il crée une polémique. L’affaire des 1.578kg d’or en provenance du Niger saisis à l’aéroport d’Addis-Abeba (Ethiopie) n’a pas encore fini de soulever des vagues. Le retour du président Tiani Abdourahamane sur l’affaire sulfureuse lors de l’entretien qu’il a accordé récemment à la Radio-télévision du Niger (RTN) dans les deux principales langues nationales et en français, loin de clore la polémique, a plutôt contribué à exacerber le doute sur la saisie dans l’esprit de nombreux Nigériens.
Ce qui n’est pas du tout surprenant en raison notamment de la cacophonie des autorités de la transition dans leur communication visant à désamorcer le scandale. Entre ce qu’ont dit le ministre de la Justice et son homologue du Pétrole et des Mines et les explications fournies par le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) dans son entretien sur la RTN par rapport à l’affaire, le brouillard est devenu très dense pour permettre une quelconque visibilité.
C’est au regard de cette situation de confusion totale que l’Association nigérienne de lutte contre la corruption (ANLC) Section nigérienne de Transparency International, a publié ce lundi 19 février 2024, un communiqué pour marquer son étonnement sur la légèreté des explications de Tiani sur l’affaire.
‘’ Après la sortie médiatique du ministre de la Justice et de Droits de l’Homme du 25 janvier 2024, les Nigériens sont surpris de suivre le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie qui dans l’entretien avec la Télévision Nationale, a réduit cette affaire à un simple montage des « ennemis du Niger » ’’, a déclaré l’ANLC.
Pour l’association, cette attitude ‘’évasive’’ du général Tiani ‘’sur cette question de l’or’’ laisse croire à tout observateur averti qu’il ‘’n’a pas tout dit sur cette affaire et semble moins précis que son ministre de la Justice qui a annoncé fermement la saisine de la Police Judiciaire’’.
L’or étant un métal précieux associé au diable, son extraction de façon artisanale et sa commercialisation ‘’a toujours été ponctuée d’affaires opaques’’, souligne l’ANLC, illustrant ses propos par un cas précis de 2019.
‘’En 2019, une étude de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) avait un écart de plus de 11 tonnes d’or entre la quantité d’or déclarée au Ministère et la quantité d’or que des acheteurs ont dit avoir acheté à partir du Niger’’, a-t-elle indiqué, renforçant son argumentaire avec un autre cas intervenu en 2020.
‘’En 2020 aussi, selon toujours la même étude, un écart de 16,06 tonnes entre la quantité d’or réellement déclarée et la quantité ayant quitté le Niger est ressorti’’, a ajouté l’association nationale de lutte contre la corruption.
Suite à ce scandale de trafic illégal présumé d’or, le gouvernement a décidé, on se rappelle, de la suspension de toutes licences antérieurement et récemment accordées dans le domaine de la recherche et de l’exploitation du minerai jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure vise, selon le ministère des Mines, à mettre de l’ordre dans le secteur.
Pour l’ANLC, le CNSP et le gouvernement doivent aussi ‘’examiner l’Étude de cadrage sur l’amélioration de la prise en compte du secteur minier artisanal et de petite échelle de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE-Niger) et de prendre des mesures qui s’imposent pour une gestion transparente du secteur minier nigérien’’.
Et pour que ce nouveau scandale de trafic d’or ne soit enterrée, elle a lancé ‘’un appel aux organisations de la société civile’’ afin qu’elles se mobilisent pour ‘’exiger la lumière sur la situation des 1.578 kg d’or irrégulièrement retrouvé en Ethiopie’’, informant l’opinion nationale et internationale de son intention de ‘’porter l’affaire d’or devant les tribunaux compétents’’.
L’initiative de l’ANLC est louable. Espérons simplement qu’elle ne sera pas entravée par les tenants du pouvoir actuel qui semblent jouer au cache-cache avec les Nigériens dans la gestion de l’affaire.