L’incohérence d’une stratégie à géométrie variable
Les propos tenus dans Jeune Afrique (J.A.) ce jeudi 30 novembre 2023 par Abdel-Fatau Musah, commissaire aux Affaires politiques de la CEDEAO, révèlent une approche profondément défaillante de l’organisation régionale face à la crise politique au Niger. La décision de suspendre, et non d’abandonner, l’option militaire contre les militaires nigériens qui ont renversé Mohamed Bazoum, tout en admettant que cette option n’était pas le premier choix, souligne un manque flagrant de cohérence stratégique. Cette hésitation traduit une incapacité de la CEDEAO à adopter une ligne claire, oscillant entre menace et passivité.
La défaillance des sanctions
Musah justifie cyniquement les sanctions imposées au Niger en affirmant qu’« on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs », ignorant ainsi les conséquences désastreuses de ces mesures sur les populations civiles innocentes. L’augmentation des prix des produits de première nécessité et l’isolement international du Niger, loin de fragiliser la junte au pouvoir à Niamey, semblent plutôt renforcer l’adhésion des populations aux putschistes et nourrir leur opposition à la CEDEAO. Ce constat d’échec manifeste rend la stratégie de sanctions non seulement inefficace, mais également contre-productive.
Un dialogue rompu et des efforts de médiation infructueux
L’impasse dans laquelle se trouve le dialogue entre la CEDEAO et les autorités nigériennes est une autre preuve de l’échec de la diplomatie régionale. Le refus des militaires nigériens de s’engager dans des discussions constructives, malgré les tentatives de rencontre, témoigne d’un manque de confiance et de fiabilité envers la CEDEAO. En outre, la désignation de Faure Gnassingbé, président du Togo, comme médiateur par le Niger, et non par la CEDEAO elle-même, souligne un manque de coordination et d’autorité de l’organisation dans la gestion de la crise. La question de la réinstallation de Mohammed Bazoum, abordée de manière évasive par Musah dans J.A., met en évidence l’incertitude et le flou entourant les objectifs à long terme de la CEDEAO dans la région.
Une CEDEAO en perte de crédibilité
En définitive, les déclarations d’Abdel-Fatau Musah mettent en lumière une CEDEAO en crise, tiraillée entre ses contradictions, oscillant entre la menace d’une intervention armée et l’imposition de sanctions lourdes de conséquences pour les populations, tout en échouant à instaurer un dialogue fructueux. Cette gestion calamiteuse de la crise nigérienne par la CEDEAO non seulement compromet sa crédibilité en tant qu’acteur régional de paix et de sécurité, mais soulève également des questions sur son aptitude à promouvoir la stabilité dans la région. Il est impératif que la CEDEAO reconsidère son approche, en privilégiant une diplomatie plus proactive et la protection des populations civiles, pour retrouver son rôle de garant de la paix et de la démocratie en Afrique de l’Ouest.’’