L’Enquêteur du jeudi 25 avril 2024 a évoqué un article intitulé ‘’Niger : Mohamed Bazoum, président otage et oublié’’ paru dans Le Figaro du mercredi 24 avril dans lequel il était rapporté que des bâtiments officiels nigériens seraient placés sur écoute. La seule évocation de cet article a suscité l’ire du pouvoir militaire. C’est ainsi que le Directeur de publicationde L’Enquêteur, Soumana Idrissa Maïga, a été interpellé par Police judiciaire, le même jour, avant d’être placé en garde à vue.
Il reste que le patron de L’Enquêteur, ultra vigilant pour tout ce qui passe dans les colonnes de son quotidien (soit dit en passant, le seul qui a pu tenir la route dans notre pays après la conférence nationale souveraine, si l’on fait abstraction de la presse gouvernementale) a de quoi surprendre et émouvoir.Il se savait tenu à l’œil pour ses papiers peu amènespour toute distorsion des principes démocratiquesqu’il pouvait relever. Il était plus que tous ses autres confrères, le plus exposé, car le plus téméraire dans les dénonciations multiformes. Nous-mêmes qui écrivons dans ce Journal, combien de fois n’avons-nous pas vu nos écrits interdits ou charcutés pour cause de posture éditoriale douteuse ou radicale, ou trop partisane ?
Sans vouloir mettre ce Directeur de publication surun piédestal immérité, nous nous devons cependant de souligner sa résilience protéiforme, sous tous les régimes qui se sont succédés dans ce pays, y compris, les régimes d’exception. Nul ne peut, de bonne foi,le nier. Pour autant, est-il sans reproche ? Sachant qu’au départ l’objectivité est une denrée rarissime pour tout Être vivant doté d’affect, à plus forte raison, pour ceux qui sont au cœur du problème qui nous assaille, hic et nunc, nous allons tâcher de faire preuve d’une subjectivité la plus désintéresséepossible (la seule qui d’ailleurs est la plus cartésienne) dans l’approche ci-dessous.
Source ouverte
Dans la le jargon du Journalisme d’investigation oudes agents des services occultes des puissances étrangères, une source ouverte est une source à la portée de tout le monde. Quand vos renseignements proviennent d’une source ouverte, telle qu’un article dans un Journal qui n’est pas interdit à la vente dans votre pays, l’intention d’atteinte à la sûreté de l’État, et encore moins la divulgation d’un secret de la défense nationale, ne saute pas aux yeux. Des services habilités existent pour contrecarrer de plusieurs manières des tentatives allant dans ce sens-là, de l’interdiction pure et simple du médium à la saisie- destruction des supports véhiculant le message incriminé. Là, c’est la parole aux Avocats. Le journaliste ne peut qu’émettre son opinion. Sid’aventure les services en amont ont accompli leur devoir par la vigilance requise, le Directeur de publication qui passerait outre, par ignorance ou parlaxisme, se mettrait lui-même dans une posture délicate. Mais, ici, le principe de la bonne foi garde une importance capitale. Autrement dit, l’accuséavait-il la volonté ferme d’attenter à la sûreté de l’État ? Une question absolument incontournable si l’on veut aboutir à une présomption d’innocence.
Les Années Kountché
Durant le régime CMS du général Seyni Kountché, rare sont les Journalistes qui n’ont pas connu, ne serait-ce que pour un jour ou deux, les affres de la détention à la PJ, ou à la ‘’Coordination ‘’, pourtentative d’atteinte à la sûreté nationale. C’était tellement chronique que les Journalistes ont dû se résoudre à faire remarquer au chef de l’État que les civils, à l’opposé des militaires, ne peuvent pas suivre une telle rigueur, même une petite heure de détention est ressentie comme la pire des humiliations. Ce à quoi l’ascète Seyni Kountché a fini par desserrer l’étau. Trois jours de détention semblent une punition appropriée pour un moment de défaillance. A moins de pouvoir démontrer un acte délibérément malveillant, ourdi par des forces tapies dans l’ombre,avec des objectifs élaborés dont l’exécutant ignoretous les mécanismes. Il appert que le DP de l’Enquêteur a cruellement manqué de vigilance, et a déjà payé le prix. Cela ne se reproduira pas de sitôt. Les Autorités peuvent en être sûres, parce que la leçon a porté. D’avance, nous leur remercions de leur bonne compréhension.